Qui est Jeroen Dijsselbloem, le nouveau patron de l’Eurogroupe?

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Les ministres européens des Finances ont élu lundi le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem à la tête de l’Eurogroupe. Il succède au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Décrit comme un médiateur d’exception et un fin stratège, il apparaît comme un atout pour la zone euro.

La zone euro a tourné une page importante lundi 21 janvier en élisant le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, 46 ans, à la tête de l’Eurogroupe, le forum des ministres des Finances de la zone euro, qui était présidé depuis sa création en 2005 par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker. “L’Eurogroupe a aujourd’hui désigné Jeroen Dijsselbloem comme son président pour les deux ans et demi à venir”, ont indiqué les ministres des Finances dans un communiqué à l’issue d’une réunion à Bruxelles.

Le départ de M. Juncker marque “la fin d’une ère”, a commenté Olli Rehn, le commissaire européen aux Affaires économiques. Le Luxembourgeois a fait part de sa “satisfaction de pouvoir quitter ce poste à lourde responsabilité et de voir M. Dijsselbloem” lui succéder. “C’est vrai qu’il n’a pas un parcours de service aussi long que le mien, mais je suis convaincu qu’il remplira cette fonction avec beaucoup de conviction, car il est un Européen convaincu”, a-t-il assuré.

“Je vais tenter de bâtir des ponts entre les pays du nord et ceux du sud, les pays notés triple A et ceux qui ne le sont pas, ceux en faveur de l’austérité et les autres”, a promis M. Dijsselbloem. Inconnu du grand public, ce dernier a été désigné à l’unanimité moins l’Espagne, qui s’est abstenue. Le Français Pierre Moscovici, qui avait ces dernières semaines exprimé de sérieuses réserves face à son collègue, a finalement “salué ce nouveau président qui est jeune, a l’esprit délié, souhaite réussir, en a la capacité”.

Il est “loyal comme un chien guide d’aveugle”

Jeroen Dijsselbloem (prononcer: Yé-roun deille-seul-bloum), 46 ans, n’a que 11 semaines d’expérience en tant que ministre, après des années de seconds rôles. Il était relativement inconnu, même dans son propre pays, au moment de prendre le portefeuille des Finances. “Stratège époustouflant”, selon le quotidien économique Financieel Dagblad, “un brin guindé et loyal comme un chien guide d’aveugle”, selon le quotidien de centre-gauche De Volkskrant, Jeroen Dijsselbloem, la chevelure brune bouclée surmontant un large front et un visage souvent un peu pincé, est “un homme aimable derrière un masque rigide”, selon le quotidien protestant Trouw.

Sa personnalité réservée l’a longtemps tenu à l’écart des médias: selon Trouw, “il ne cherchait pas les caméras et les caméras ne le cherchaient pas, il semble ennuyeux et austère”. “C’est un homme très sympathique dans le privé”, assure pourtant à l’AFP Staf Depla, qui a été avec M. Dijsselbloem et l’actuel chef de file travailliste Diederik Samsom un des “Ingénieurs rouges”. Ces trois travaillistes avaient pris ce nom lors d’une campagne électorale pour les élections législatives de 2003 en référence à leurs études scientifiques. Ils avaient sillonné les Pays-Bas vêtus de combinaisons rouges, plaidant notamment pour que les immigrés musulmans suivent des cours sur la société néerlandaise afin de mieux s’y intégrer.

Jeroen Dijsselbloem, qui a étudié l’économie agricole à l’université de Wageningen, dans l’est des Pays-Bas, et effectué une recherche doctorale en économie d’entreprise en Irlande, était considéré comme le stratège du groupe. Pendant de nombreuses années, il continuera à asseoir cette réputation au sein de son parti, en restant dans l’ombre. Il s’occupera des dossiers liés à l’enseignement, aux soins de santé, aux politiques d’asile et à la jeunesse.

Fan de Miles Davis et des Monty Python

Né à Eindhoven (sud-est) de parents enseignants, Jeroen Dijsselbloem a grandi dans une famille apolitique et catholique. Son amour de la chose publique surgit vers 15 ans après sa participation, malgré l’interdiction de ses parents, à une manifestation contre l’installation de missiles de la guerre froide aux Pays-Bas en 1983. Il a été surnommé “chevalier de la morale” après avoir plaidé au Parlement pour des clips moins violents à la télévision.

Cet admirateur du trompettiste Miles Davis et amateur des Monty Python est reconnu comme un bon dirigeant et un médiateur d’exception, un diplomate qui laisse “parler les gens et sait les écouter”, selon un ancien membre d’une commission parlementaire qu’il a dirigée.Père de deux adolescents, une fille et un garçon, il se décrit comme un “Père Noël à l’envers”: en tant que ministre des Finances, il doit “‘s’assurer qu’aucun cadeau ne soit distribué et que chacun paie son dû en temps et en heure”, avait-il affirmé dans un entretien publié par De Volkskrant.

Le nouveau ministre néerlandais des Finances a tout fait pour rassurer ses pairs en leur distribuant une lettre dont l’AFP a obtenu copie, dans laquelle il insiste sur la nécessité de “promouvoir une approche équilibrée, en reconnaissant qu’il faut à la fois de la discipline et de la solidarité”. Il souligne “les défis qui restent à relever” et la nécessité “non seulement d’améliorer la viabilité de nos finances publiques mais aussi la compétitivité, de lutter contre les déséquilibres et de soutenir la croissance et l’emploi”.

Deux dossiers chauds à gérer

À court terme, M. Dijsselbloem va devoir gérer deux dossiers délicats: le plan d’aide pour Chypre, que l’île a demandé il y a maintenant plus de six mois, et la question de la recapitalisation directe des banques, deux sujets abordés lundi soir. “Nous avons salué les progrès déjà accomplis par Chypre en mettant en place certaines des mesures importantes sur lesquelles les autorités se sont mises d’accord avec la troïka” des créanciers (UE-BCE-FMI), a indiqué M. Juncker. Mais aucune décision n’est attendue dans l’immédiat, car la zone euro veut attendre l’issue de l’élection présidentielle chypriote, dont le premier tour aura lieu le 17 février. Les discussions entre la troïka et Nicosie n’avancent pas, notamment car ces dernières se refusent à procéder aux privatisations réclamées.

Concernant la recapitalisation directe des banques par le fonds de sauvetage de la zone euro, les ministres ont eu des discussions techniques. Ils doivent s’entendre sur l’étendue des actifs concernés et le rôle qui pourrait rester dévolu aux États dans le sauvetage des banques. Sur ce sujet, “nous avons peu de temps et beaucoup de travail”, a estimé M. Dijsselbloem. La zone euro a enfin salué les progrès en Grèce et, compte tenu de ces avancées, elle devrait débloquer comme prévu une tranche d’aide de 9,2 milliards d’euros d’ici la fin du mois, dont une grande partie servira à recapitaliser les banques.

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