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Quand le Covid contamine le fisc

Voici quelques jours, Pierre-François Coppens, conseiller fiscal et créateur d’une ASBL qui regroupe plusieurs dizaines de fiduciaires, s’est inquiété de la multiplication de pratiques dommageables du fisc. D’autres témoignages semblent corroborer ce phénomène…

Est-il vraiment opportun, par exemple, de multiplier les contrôles dans les sociétés de l’horeca, de l’événementiel ou du secteur médical, qui ont sans doute d’autres chats à fouetter actuellement, les premières luttant pour leur survie, les dernières étant souvent débordées de travail en raison de la crise sanitaire ?

Déplorable aussi est la multiplication des demandes disproportionnées de renseignements émanant de contrôleurs qui ont été un moment immobilisés par le virus, voire qui invoquent benoîtement la crainte que l’administration ne rembourse pas leurs frais de déplacement. Ces contrôleurs qui ne se rendent plus sur place demandent donc qu’on leur envoie tout par e-mail. Tout, c’est-à-dire trois années d’historiques comptables complets, en ce compris les journaux d’achats et de ventes, etc. Et ils assortissent cette demande de délais extrêmement courts.

Il est évidemment totalement justifié de partir à la chasse à la fraude et de veiller à ce que les recettes fiscales rentrent dans les caisses de l’Etat, surtout à un moment où celui-ci réalise un effort financier colossal. Mais il y a l’art et la manière. ” Le véritable souci est la pression mise par les con- trôleurs pour avoir rapidement l’information, suivie d’un silence radio. Puis, deux ou trois mois plus tard, vient l’avis de rectification. J’ai des dizaines de témoignages en ce sens, note Pierre-Yves Coppens. ”

Le Covid n’a pas seulement confiné les citoyens. Il a aussi ébranlé le dialogue entre le fisc et le contribuable, une discussion pourtant nécessaire pour juger correctement d’une situation. Ainsi, à l’heure actuelle, de nombreuses sociétés reçoivent des avis de rectification, l’administration considérant qu’elles n’ont pas droit aux taux d’imposition réduits au motif qu’elles sont des ” sociétés financières “. Et pour les cataloguer comme telles, le fisc se base sur l’importance, dans leurs comptes, de leurs ” immobilisations financières “. ” Mais ce que l’administration perd de vue, note Pierre-Yves Coppens, est que dans les immobilisations financières, il y a souvent des cautions, des garanties financières .” Bref, des montants qui viennent gonfler ce poste mais ne sont pas des participations dans d’autres sociétés… Une courte discussion aurait pu faire entrevoir ce point.

Il est évidemment totalement justifié de partir à la chasse à la fraude et de veiller à ce que les recettes fiscales rentrent dans les caisses de l’Etat. Mais il y a l’art et la manière.

On peut imaginer que dans les mois qui viennent, les contestations vont flamber. Mais elles n’émaneront que des contribuables les plus fortunés, les autres n’ayant ni le temps, ni la volonté, ni l’argent pour aller défendre leur dossier devant un juge.

On a dit que le Covid était révélateur de certains maux, et que l’après-crise allait donner lieu à de profonds changements. On aimerait que la reprise d’un réel dialogue fiscal entre le fisc et les contribuables en fasse partie.

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