Quand la réforme de l’Etat fait gagner les élections

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Sur les 30 dernières années, seuls les gouvernements qui ont mené une réforme de l’Etat ont gagné des sièges à l’élection fédérale suivante.

Officiellement, le poto-poto institutionnel n’intéresse pas les Belges. Les statistiques électorales pourraient toutefois laisser penser l’inverse. Les gouvernements qui ont mené les dernières réformes de l’Etat ont en effet systématiquement renforcé leurs positions lors du scrutin qui a suivi, tandis que tous ceux qui avaient mis l’institutionnel au frigo ont été sanctionnés dans les urnes. C’est peut-être l’analyse de ces résultats -très contre-intuitifs, convenons-en- qui a incité Bart De Wever et Paul Magnette à imaginer une audacieuse réforme de l’Etat.

Après la 6e réforme de l’Etat, le gouvernement Di Rupo a gagné un petit siège et sa tripartite classique devenait ainsi majoritaire dans les deux rôles linguistiques. Après la 5e réforme, le gouvernement Verhofstadt a engrangé 7 sièges supplémentaires (malgré la déroute des Verts qui ont perdu 16 sièges après une expérience qui, à ce jour, demeure toujours leur unique participation gouvernementale fédérale). Ce succès global doit toutefois être nuancé par la disparition de la Volksunie, qui s’était divisée à propos justement de cette réforme de l’Etat. Une partie de ses mandataires ont alors rejoint le sp.a et l’Open VLD, ce qui a flatté le score de ces deux partis.

Le gouvernement Dehaene est lui aussi sorti renforcé du scrutin de 1995 qui a suivi la 4e réforme de l’Etat. Il a certes perdu des sièges mais à peu près tout le monde en a perdu à ce scrutin, qui a vu la Chambre passer de 212 à 150 députés (c’était la première fois que les Belges élisaient directement les députés régionaux). En pourcentage, la coalition rouge-romaine de JLD était en légère progression, retenons donc cette tendance.

En revanche, en 2019, 2010, 2007 et 1999, au terme de législatures sans réforme de l’Etat, les électeurs ont chaque fois sanctionné l’équipe sortante. Parfois très lourdement, avec une perte-record de 22 sièges pour Verhofstadt II et Michel I. Il faut remonter à 1985 (Martens-Gol) pour voir une coalition remporter les élections sans avoir initié de réforme de l’Etat. Cela n’a pas empêché cette équipe de chuter deux ans plus tard sur une question… communautaire, à savoir les Fourons. Hasard ou pas, la législature qui a suivi fut, elle, marquée par les réformes de l’Etat de 1988-1989. Elles ne furent pas saluées par les électeurs puisque la coalition sortante (rouge-romaine) a perdu 14 sièges au scrutin de 1991.

Il serait très aventureux de conclure à un lien direct et exclusif entre les réformes institutionnelles et les victoires électorales. Mais il n’empêche que les statistiques électorales de ces trente dernières années sont interpellantes. Elles s’expliquent peut-être par le fait que de telles réformes incluent souvent la participation de l’un ou l’autre parti d’opposition, afin d’atteindre la majorité des deux tiers. Cela crée de facto un climat plus consensuel qui, les exemples semblent le montrer, profite au pouvoir en place.

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