Philippe Ledent
Quand la Chine retire la prise
Il semble que les autorité chinoises soient prêtes à sacrifier de la croissance à court terme pour garder le contrôle de leur économie et la maintenir sur la trajectoire planifiée.
L’économie chinoise ralentit, c’est indéniable. Ce ralentissement est en partie conjoncturel: après une très forte accélération, surtout en deuxième partie de 2020, il est normal que le taux de croissance de l’activité s’affaiblisse quelque peu. Et c’est d’autant plus vrai que l’économie mondiale est soumise au même phénomène. La poursuite de la pandémie n’y est pas étrangère: comme dans d’autres pays d’Asie, l’apparition récurrente de foyers de contaminations restreint l’activité économique.
Ceci étant, dans le cas de la Chine, le ralentissement est également provoqué par les autorités. On aurait tendance à l’oublier mais la Chine reste une économie planifiée. Dans un premier temps, la régulation de certains secteurs a dès lors été renforcée. C’est le cas des grandes entreprises technologiques, et notamment du secteur des jeux en ligne. C’est également le cas du secteur de l’enseignement privé, dont le coût exorbitant pour les ménages n’est pas du goût du président Xi. Enfin, c’est le cas du secteur de l’immobilier, via une grande campagne visant à réduire la spéculation dans ce domaine. C’est dès lors au travers de cette régulation qu’il faut regarder les problèmes d’Evergrande. Et bien entendu, ces interventions des autorités réduisent l’activité, principalement des services et de la construction.
Il semble que les autorité chinoises soient prêtes à sacrifier de la croissance à court terme pour garder le contrôle de leur économie et la maintenir sur la trajectoire planifiée.
Mais le secteur industriel n’est pas en reste. On a récemment observé que l’approvisionnement en électricité a été brutalement interrompu dans de nombreuses régions de Chine à la suite de décisions prises par un certain nombre de gouvernements locaux. Certaines régions ont en effet été mises sous pression pour réduire leurs émissions de CO2 après avoir précédemment échoué à atteindre des objectifs de réduction sévères pour le premier semestre de l’année. Même si les coupures d’électricité cessent, la maîtrise de la demande d’électricité par la suspension de la production dans les usines à forte consommation d’électricité se poursuivra. Ces dernières pourraient dès lors ne fonctionner qu’aux deux tiers de leur capacité.
La réduction des émissions de CO2 est clairement une bonne chose pour l’environnement chinois et mondial, mais cette initiative n’est pas sans conséquence. Les mesures récentes ont eu des répercussions négatives sur environ un tiers du secteur manufacturier chinois. Les coupures d’électricité coïncident également avec la saison de production de nombreux produits exportés (dont les jouets), ce qui est très mauvais pour les revenus des fabricants et des exportateurs. Cela aura aussi une incidence sur les emplois et les salaires des ouvriers chinois, et donc sur leur consommation. Dès lors, la croissance chinoise en deuxième partie de cette année devrait être bien plus limitée, de l’ordre de 4% ou 5% en glissement annuel. Mais les répercussions ne se limitent pas à la Chine: l’économie mondiale continuera d’être impactée par des problèmes d’approvisionnement aux conséquences diverses, en fonction des pays, des secteurs et des comportements des consommateurs.
En conclusion, il semble que les autorité chinoises soient prêtes à sacrifier de la croissance à court terme pour garder le contrôle de leur économie et la maintenir sur la trajectoire planifiée. Et on sait que cette trajectoire est ambitieuse tant en matière de croissance économique que de transition énergétique. Or, s’agissant de la deuxième, voire la première économie de la planète, ces grandes manoeuvres sont de nature à impacter fortement le profil de la reprise et, à plus long terme, de la croissance mondiale.
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