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Quand Bart De Wever rêve du retour de la Grande Néerlande

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Il y a quelques semaines, il faut bien dire que la sortie de Bart De Wever au sujet d’une très éventuelle unification de la Flandre avec les Pays-Bas a surpris tout le monde.

Il y a quelques semaines, il faut bien dire que la sortie de Bart De Wever au sujet d’une très éventuelle unification de la Flandre avec les Pays-Bas a surpris tout le monde. Certes, il existe et a toujours existé en Flandre des sympathies orangistes chez un certain nombre d’intellectuels attirés par l’unicité de langue entre leur région et les Pays-Bas et par une certaine interprétation de l’histoire. Mais il s’était toujours agi d’une idée vague présentée comme plus ou moins romantique plutôt qu’une véritable revendication politique. Il est donc très étonnant de voir le président du premier parti de Flandre se faire l’avocat d’un tel projet.

La réalité est qu’une telle union n’a existé dans l’histoire que pendant 16 années, entre 1815 et 1831, et a été imposée aux deux pays de l’étranger après la défaite de Napoléon à Waterloo et le congrès de Vienne. Bart De Wever, brillant historien, le sait très bien, tout comme il sait que l’alliance de la Hollande et de ce qui est devenu la Belgique contre l’occupant espagnol au 16e siècle n’a existé que dans l’opposition à un pouvoir exécré, était entravée par des conflits religieux et n’a abouti qu’à une sévère défaite.

Surtout, il paraît très peu cohérent pour un nationaliste flamand de choisir l’absorption par les Pays-Bas. La N-VA a habituellement eu une haute idée de la “nation flamande”. On peut le lui reprocher et considérer, au contraire, que la nation n’est que l’ensemble des personnes forcées d’obéir à un même pouvoir. Mais si l’on est nationaliste comme Bart De Wever, c’est que l’on part de l’idée que la Flandre a au contraire une spécificité, non seulement par rapport à la Wallonie mais aussi par rapport au reste du monde, y compris les Pays-Bas. On comprend alors difficilement qu’on accepte de diluer cette “nation” dans un ensemble plus grand. La seule chose qu’on pouvait trouver d’assez sympathique dans le projet nationaliste flamand, c’était l’idée de rapprocher le pouvoir du citoyen. Faire diriger la Flandre depuis La Haye, c’est, il faut bien le dire, exactement le contraire!

Il est tout aussi étrange de voir des nationalistes flamands, fer de lance d’une région dominante en Belgique, qui a près de 60% des sièges au parlement national, envisager de se retrouver très minorisés dans un ensemble néerlando-flamand dont la Flandre ne représenterait qu’environ 30%. Est-ce vraiment comme cela qu’elle a le plus de chances de faire entendre sa voix? Poser la question, c’est déjà y répondre …

Enfin, on comprend assez peu qu’un homme politique aussi aguerri que le président de la N-VA s’aventure à exprimer une telle idée, dont il sait bien qu’elle n’a pratiquement aucune chance de succès. Il suffit d’observer le silence absolu que sa déclaration a entraîné dans le pays le plus directement concerné, les Pays-Bas eux-mêmes. Il ne semble vraiment pas que les politiciens néerlandais croient à une telle illusion.

On peut enfin difficilement brouiller plus l’image d’un parti N-VA, perçu de plus en plus souvent comme relativement raisonnable, qu’en paraissant substituer à son idée de toujours, le nationalisme flamand et l’indépendance de sa région, par une chimère de rattachement aux Pays-Bas. Comment l’électeur pourrait-il être séduit par cette idée qui ne semble vraiment pas être populaire en Flandre? Ou alors faut-il conclure qu’ils sont prêts à tout faire pourvu qu’ils se débarrassent des francophones?

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