Puiser dans les réserves stratégiques de pétrole, une manne à double tranchant pour Biden

Un recours aux réserves stratégiques de pétrole est de plus en plus évoqué aux Etats-Unis pour faire baisser les cours du brut alors que Joe Biden est sur la défensive avec l’accélération de l’inflation, tirée par la hausse des prix énergétiques. Mais à l’heure des promesses sur la lutte contre le changement climatique, la Maison Blanche soupèse encore l’opportunité de se servir de cette prérogative rarement utilisée et dont l’impact sur le coût des carburants à la pompe ne serait que provisoire.

– Réserves: combien et où ? –

Les réserves stratégiques américaines de pétrole ont été créées en 1975 pour contrecarrer les chocs pétroliers. Enfouies dans d’immenses cavernes de sel allant jusqu’à 800 mètres de profondeur le long de la côte du Golfe du Mexique, ces réserves peuvent emmagasiner jusqu’à 714 millions de barils d’or noir.

Actuellement, le niveau des stocks se situe à 609 millions de barils, selon le département américain de l’énergie, soit l’équivalent assez limité de six mois de consommation de brut aux Etats-Unis.

Une soixantaine de réservoirs forés dans une strate de sel sont répartis sur quatre sites hautement surveillés, en Louisiane et au Texas. Ils contiennent ces réserves qui représentent la plus grande manne d’urgence de brut au monde, affirme le ministère.

Il faut un délai d’une douzaine de jours après la décision du président pour que le pétrole tiré de ces cuves connectées à de multiples réseaux de pipelines soit raffiné ou vendu sur le marché. Ce pétrole brut peut être utilisé pour la demande intérieure mais aussi être exporté.

– Les précédents: guerres du Golfe et ouragans –

La loi laisse au président américain la prérogative de puiser jusqu’à 30 millions de barils sur 60 jours ou plus “en cas de graves interruptions d’approvisionnement en énergie”.

En 1991, George H. W Bush avait ordonné le tirage de quelque 17 millions de barils pendant la première guerre du Golfe.

En 2005, c’est George W. Bush fils qui avait fait prélever dans ces réserves 11 millions de barils après le passage de l’ouragan Katrina qui avait dévasté la Louisiane et ses structures pétrolières.

En 2011, Barack Obama avait libéré pour 30 millions de barils afin de suppléer aux interruptions de livraison de Libye.

A l’inverse, en 2001, juste après les attentats du 11 septembre, le président Bush avait au contraire ordonné par précaution un remplissage des cuves jusqu’à la garde.

Déverser des réserves d’or noir sur le marché pour faire baisser les prix du brut risque de n’avoir qu’un effet limité et de courte durée, estime John Kilduff, analyste du marché pétrolier pour la firme de conseil en investissement Again Capital.

“Pour être efficace, il faut que le montant des réserves utilisé soit important et qu’il y ait un effort coordonné” avec d’autres pays, souligne-t-il.

– Un dilemme à l’heure du changement climatique –

A l’heure des discours sur la nécessité de réduire les émissions dégagées par les énergies fossiles, piocher abondamment dans les réserves de brut risque de soulever des critiques.

“Ce serait contreproductif en terme d’image par rapport au changement climatique”, soulignait récemment un éditorial du Washington Post. “C’est certainement une contradiction” pour le gouvernement, relevait aussi John Kilduff.

“Les vrais champions de la lutte contre le changement climatique sont favorables au contraire à des prix du pétrole élevés pour permettre aux énergies renouvelables d’être plus compétitives”, poursuit l’analyste.

Mais pour le président américain, l’inflation –soudain au plus haut depuis trois décennies à 6,2% sur un an et considérablement tirée par celle des prix de l’énergie–, pourrait s’avérer un poison politique. Lutter contre l’augmentation des prix devient un impératif.

“Ces hausses font mal à la cote de popularité du président”, rappelle M. Kilduff.

Le prix moyen du gallon d’essence (3,78 litres) à la pompe a grimpé à 3,41 dollars contre 2,12 dollars il y a un an, selon l’association d’automobilistes AAA.

Ce niveau, encore acceptable pour l’automobiliste américain, devient problématique à partir de 4 dollars le gallon, selon les experts.

“C’est un point de rupture, parce qu’on commence alors à débourser 100 dollars pour faire le plein de son SUV. Cela capte l’attention de l’automobiliste et mine la confiance des consommateurs et ralentit l’économie”, avertit John Kilduff, rappelant que toutes les récessions aux Etats-Unis ont été précédées par un bond des prix du pétrole.

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