PS et N-VA, des programmes économiques inconciliables ?

© Montage Belga

Les vainqueurs des élections du 13 juin ne s’opposent pas uniquement sur la régionalisation de la sécurité sociale. La N-VA est libérale, partisane d’un Etat minimal, et le PS mise sur la défense des acquis sociaux. C’est le parti des PME et des indépendants contre celui des salariés et des fonctionnaires.

Sur le plan économique, quelles sont les idées défendues par N-VA ? La question est brutalement devenue d’actualité avec la victoire écrasante de ce parti dont les convictions séparatistes masquent les autres propositions. Son programme électoral de 70 pages consacre beaucoup de place aux thèmes socio-économiques. Il mérite donc d’être analysé, et confrontéà celui de l’autre vainqueur, le PS, dont le programme compte 159 pages.

Les idées du PS sont mieux connues. Le parti d’Elio Di Rupo défend le rôle de l’Etat, s’est longtemps méfié des entreprises, et n’épargne pas ses critiques sur les travers de la financiarisation. “Mais il s’est montré favorable au développement des sociétés en prônant le retour à l’économie réelle”, relève Pascal Delwit, politologue à l’ULB. Le président du PS a du reste imaginé le plan Marshall pour le redressement économique de la Wallonie.

La N-VA appartient à un horizon différent. “Ce parti est soutenu par les classes moyennes indépendantes, explique Pascal Delwit. Il compte de nombreux relais dans le monde patronal.” La N-VA n’est pas seulement un parti qui vise explicitement le séparatisme. Il développe aussi une approche économique très libérale.

“Le PS défend une position keynésienne, indique Pierre Verjans, politologue à l’ULg. Ce qui est inimaginable pour la N-VA. Pour elle, les pouvoirs publics ne doivent pas être un acteur économique, qu’il soit fédéral ou régional. Cela explique les craintes de la gauche flamande face à la régionalisation de la sécurité sociale. Elle se dit qu’après cette étape, il y aura une tentation de privatiser au maximum ce service.”

Les grands vainqueurs des législatives, qui pourraient envisager de gouverner ensemble, sont donc aussi opposés qu’il est possible de l’être sur les thèmes économiques. En voici la preuve en cinq points.

1. Budget : deux approches floues

La N-VA souhaite arriver à l’équilibre budgétaire d’ici 2015, “ce qui implique un effort budgétaire annuel de 3,5 milliards d’euros”, précise le programme. Le parti de Bart De Wever ne s’avance guère : c’est aussi l’objectif du gouvernement sortant.

La N-VA précise que cet objectif ne peut être atteint par une hausse de la fiscalité, car “les classes moyennes gémissent déjà sous les charges fiscales les plus élevées au monde”. Il le sera “en réformant les mécanismes de subsides dans les soins de santé et de la sécurité sociale, pour stimuler une gestion plus économique”. Comme la N-VA souhaite la régionalisation de ces budgets, elle attend donc un gain budgétaire d’une nouvelle réforme de l’Etat.

C’est une réponse un peu courte. “La N-VA n’a pas beaucoup développé le thème du budget, contrairement au CD&V et à l’Open VLD, précise Peter Vanden Houte, chief economist d’ING. Mais les partis francophones non plus.” Cela se vérifie dans le programme du PS : il ne parle quasiment pas du budget en tant que tel. Quant à la solution avancée par la N-VA – les économies via la régionalisation des dépenses sociales – on connaît déjà la réponse socialiste : c’est non !

2. Compétitivité : la NV-A plus offensive

La N-VA se soucie du handicap salarial de la Belgique. Elle veut revoir le mécanisme des cotisations sociales, en retirant celles qui financent les soins de santé et les allocations familiales, dont le financement “ne sera plus perçu sur les revenus du travail”. Ils devraient alors être fiscalisés et répartis sur une plus large partie de la population, ce qui rejoint une demande développée par la FEB et Itinera. La N-VA propose aussi des baisses ciblées de cotisations sociales pour des catégories à encourager, comme les plus de 50 ans.

Côté droit du travail, le parti de Bart De Wever plaide, sans surprise, pour une régionalisation des conventions collectives, “pour mieux coller à la productivité du travail” des différentes Régions. Pour aider la Wallonie…

Le PS évoque plutôt des mesures pour empêcher les entreprises de faire du “shopping” entre les commissions paritaires (une allusion, sans doute, à Carrefour) et pour “favoriser les stratégies salariales communes avec les pays voisins (Pays-Bas, France, Allemagne et Luxembourg)”.

3. Fiscalité : le jour et la nuit

Ici aussi, “les idées semblent loin d’être compatibles”, estime Peter Vanden Houte. La N-VA est clairement favorable à une baisse des impôts, qui, selon elle, passerait par une autonomie fiscale complète de la Flandre. Une concurrence fiscale avec la Wallonie et Bruxelles devrait, selon la N-VA, être introduite, notamment par le biais d’une régionalisation de l’impôt des sociétés. Trop élevé aux yeux du parti flamand, le taux nominal de l’Isoc doit absolument être diminué afin de pouvoir à nouveau attirer les investisseurs étrangers. Parallèlement, la Flandre deviendrait totalement compétente pour l’impôt sur les personnes physiques.

Pour le PS, qui se garde bien d’évoquer toute hausse d’impôts (sauf sur les gros revenus) et de parler du moindre transfert de compétences aux Régions, la priorité fiscale passe par un relèvement progressif du revenu minimum non imposable en ciblant prioritairement les bas revenus. Il consacre un point au sujet inévitable de la fraude fiscale, notamment via la levée du secret bancaire. Il veut aussi mettre fin à l’exonération des plus-values sur actions réalisées par des sociétés. Sur ces deux thèmes, la N-VA se montre nettement plus floue. Idem pour l’impôt sur la fortune, que le parti socialiste défend en projetant une cotisation de solidarité sur les très gros patrimoines, hors immeuble d’habitation et patrimoine professionnel (à partir de 1,25 million d’euros).

4. Sécurité sociale : le PS veut augmenter la pension minimum

La N-VA veut réformer le système des pensions mais n’est pas intéressée par sa régionalisation. Comme le PS, elle estime que l’âge légal de la pension doit rester à 65 ans. Compte tenu du fait que les Belges prennent leur retraite en moyenne à l’âge de 60 ans, il faut les inciter à travailler plus longtemps, pour que la carrière professionnelle couvre une période de cotisation de 40 à 45 ans, estime le parti flamand.

En cette matière, le PS propose, de manière assez floue, de relever le taux d’emploi des plus de 50 ans via un ensemble de politiques appropriées. Dans le même temps, il veut porter progressivement la pension minimum à 1.150 euros nets par mois pour une personne isolée et une carrière complète. La N-VA rétorque que dans deux domaines, notre pays dépense davantage que la moyenne européenne en matière de sécurité sociale : les pensions et les allocations de chômage (“le seul pays au monde où celles-ci ne sont pas limitées dans le temps”, note le parti de Bart De Wever).

C’est d’ailleurs cela qui distingue fondamentalement les deux programmes en matière d’emploi : la N-VA préconise une limitation des allocations de chômage dans le temps. Quant aux soins de santé, le parti flamand plaide en faveur d’une régionalisation, sans développer le sujet.

5. Fonction publique : la N-VA veut une “grande lessive”

L’Etat simplifié, c’est l’objectif de la N-VA. Elle mise sur une fonction publique moins importante. “Le vieillissement des fonctionnaires nous offre une opportunité historique. Nous avons le personnel public fédéral le plus âgé de l’OCDE : 44 % ont plus de 50 ans.” C’est l’occasion rêvée pour réaliser un “exercice d’efficience sans licenciement”. En clair, la N-VA mise sur le non-remplacement d’une partie des fonctionnaires qui prennent leur retraite, ce qui n’est pas très original mais peu pratiqué en Belgique. Elle mise aussi sur sa vision du confédéralisme pour réduire certaines factures : la N-VA souhaite supprimer le Sénat, réduire le nombre de députés et faire maigrir le gouvernement fédéral, via la suppression des secrétariats d’Etat. Le système de la dotation royale est quant à lui appeléàêtre “adapté au rôle purement protocolaire que le roi jouera dans un système confédéral”.

Le programme du PS se situe aux antipodes de ces approches. Il ne partage pas non plus la demande de la N-VA de régionaliser la SNCB, et préfère insister sur une meilleure concertation entre SNCB, STIB, TEC et De Lijn, ainsi que sur une amélioration des services.

Sébastien Buron et Robert van Apeldoorn

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