Mathieu Maes

Protectionnisme commercial et vivre-ensemble?

La restriction du commerce international est populaire dans certains cercles d’affaires et de la politique. La volonté est de contrôler et de freiner, sinon interdire, les flux de biens, d’investissements et de données aux frontières. Au-delà de coûts sociaux désastreux pour les citoyens aux plus faibles revenus, cela pourrait constituer un obstacle à des sociétés plus inclusives.

Bien entendu, tout soupçon de racisme latent et de xénophobie camouflée serait rejeté par la majorité des détracteurs du libre-échange. Pourtant, ce sont souvent les mêmes qui luttent pour l’inclusion et la diversité qui, paradoxalement, désirent limiter le commerce extérieur avec par exemple les Etats-Unis, la Chine ou la Russie. Ce faisant, ils acceptent de se retrouver parfois les alliés de conceptions politiques des plus nationalistes.

Un simplisme décomplexé

L’inspiration des arguments des partisans du protectionnisme commercial est souvent d’ordre politique : e.a. contre le gouvernement en place, sociale : e.a. désaccord avec le droit social, environnementale : e.a. différence de règles pour les émissions de CO2. Cela peut paraître noble et justifié, mais c’est aussi souvent simpliste. Le reflet décomplexé de l’ignorance de réalités différentes dans un monde multipolaire, de l’angoisse générée par des cultures inconnues et de l’antagonisme envers une manière de vivre différente.

Cette vision, souvent ethnocentrée, pose des risques pour nos sociétés, qui doivent faire face à des défis inouïs. Les prochaines catastrophes, toujours plus planétaires, feront appel à des réponses coordonnées mondialement, qu’elles concernent la santé, l’environnement ou la technologie. Brûler les ponts entre les Etats et les autres cultures du monde, tout en remettant en question le système multilatéral, c’est mettre en danger la résilience de notre planète.

La résilience planétaire en danger

La course à la souveraineté sur la production industrielle, les flux de données transfrontaliers ou les migrations d’individus n’est pas une option. Les gouvernements, la société civile et les entreprises devraient plutôt se concentrer sur une coopération internationale renforcée, et l’amélioration des compétences diplomatiques dans toutes les affaires étrangères. De manière ironique, il semblerait que l’internationalisation des risques conduise de nos jours à une tentation pour l’isolationnisme.

Aucun pays ne pourra faire face tout seul aux grands risques et défis de ce siècle. S’il y a urgence pour réformer les institutions du système multilatéral, telles que l’OMC, il ne peut être question de les détruire ou de les étouffer par manque de moyens. Il est temps que toutes les parties prenantes entament ce chantier, et réduisent le fossé qui est parfois perçu entre leur fonctionnement et les citoyens.

Ce fossé laisse trop d’espace aux pires tendances humaines à se refermer sur soi. Certains gouvernements surfent alors sur la popularité du protectionnisme, avec de nouveaux tarifs ou, OMC oblige, par des barrières non tarifaires. Cependant, la triste réalité est que ce type de discrimination touche plus les exportations d’économies pauvres que celles de pays riches. Et quand les importations d’un pays sont visées, cela légitimise souvent de pair le discours de haine et les fausses informations sur ses ressortissants et sa culture.

Au début des années 30, les politiques protectionnistes n’ont pas fonctionné pour protéger les économies du monde, mais contribuèrent à une forte contraction du commerce. Aujourd’hui, les prévisions du commerce international sont pessimistes, comme annoncé par l’OMC. Une tendance initiée bien avant la pandémie, par des mesures protectionnistes et les tensions commerciales Etats-Unis-Chine.

Paix et résilience environnementale

Plus que jamais, le commerce international devrait être un instrument de paix et de résilience environnementale. Les échanges entre continents nourrissent la mobilité des travailleurs, l’échange de talents et l’essor de l’innovation et de la productivité. L’échange de biens et de services améliore la compréhension mutuelle entre cultures. Soutenir le contraire renforcerait dangereusement, directement ou indirectement, les idéologies les plus intolérantes.

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