Prix de l’énergie: les Vingt-sept s’accordent sur une feuille de route… mais tout reste encore à faire

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Si, à l’issue d’âpres tractations, le bloc a voulu présenter un front uni, de nombreux points restent à trancher, et les négociations des prochaines semaines s’annoncent difficiles. Les dirigeants ont néanmoins donné pour signal aux ministres (Conseil de l’UE) et à la Commission de développer concrètement une piste: le “corridor de prix”.

Les chefs d’État et de gouvernement de l’UE sont parvenus, dans la nuit de jeudi à vendredi, à s’accorder sur une approche commune visant à faire baisser les prix excessifs de l’énergie, et du gaz en particulier.

Au final, les Vingt-sept appellent les ministres de l’Énergie et la Commission à soumettre en urgence “des décisions concrètes” sur une batterie de mesures telles qu’un couloir de prix, dynamique et temporaire, sur les transactions sur le marché de gros du gaz, afin de limiter immédiatement les épisodes de pics excessifs.

Est aussi inscrite la piste d’un cadre temporaire pour plafonner le prix du gaz utilisé pour la production d’électricité (modèle dit “ibérique”). Des garde-fous y sont joints, comme la nécessité d’une analyse coûts-bénéfices, la prévention d’une augmentation de la consommation de gaz ou la préservation de la sécurité d’approvisionnement.

Corridor de prix

“Décisions”, “urgemment” et “corridor de prix”, tels sont les termes soulignés et salués par Alexander De Croo à l’issue des longues discussions sur l’énergie qui ont occupé la première journée du sommet européen à Bruxelles. Après avoir plaidé pendant des mois pour un plafonnement des prix du gaz, le Premier ministre est particulièrement satisfait que le principe d’un “corridor de prix” dynamique pour encadrer les prix du gaz ait été validé par les 27 chefs d’État et de gouvernement.

“Cela n’avait pas encore été dit de manière aussi forte”, assure Alexander De Croo. “Le texte est très directif” et donne un mandat clair aux ministres de l’Énergie, qui se rassemblent dès mardi à Luxembourg.

“Cela ne veut pas dire qu’on y est, il y a encore beaucoup de travail“, tempère-t-il aussitôt. Surtout “que l’on envoie la Commission et le Conseil sur un terrain largement inexploré”. “Jusqu’ici le message était plutôt de libéraliser au maximum le marché, or on va ici vers une intervention assez déterminante sur le marché (…) L’exercice va être sportif”.

Ce “corridor de prix” sur les transactions sur le marché de gros du gaz, “pour immédiatement limiter les épisodes de prix excessifs” selon les mots utilisés dans les conclusions validées par les 27, doit encore être élaboré. Mais son principe rejoint ce que la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten met en avant depuis des mois, à la recherche d’un délicat équilibre entre maintien de l’approvisionnement et modulation du prix, par exemple en fonction de ce qu’on observe sur les marchés asiatiques.

Convaincre les réticents

La Belgique et 14 autres États membres qui prônaient des plafonnements des prix sont satisfaits. Pour convaincre les réticents, des garanties sont mentionnées, qui sont aussi celles qui figuraient dans les propositions de la Commission.

“Il a fallu donner du confort politique” au chancelier allemand Olaf Scholz, selon un diplomate. L’Allemagne, très réticente à l’idée de plafonner les prix du gaz par crainte de voir les fournisseurs se détourner d’elle, s’est vu offrir la concession qu’un sommet européen pourrait être reconvoqué rapidement si les ministres de l’Énergie devaient mettre Berlin en difficulté. Du fait que le Conseil européen statue au consensus, chaque État y dispose d’une forme de droit de veto, ce qui n’est pas le cas au Conseil des ministres de l’UE, où vit la règle de la majorité qualifiée.

Plus consensuels, les achats groupés de gaz en vue de la prochaine saison de remplissage des réserves sont confirmés par les Vingt-sept, avec une obligation portant sur 15% des besoins nationaux.

Enfin, les dirigeants ouvrent la porte, entre les lignes, à approvisionner le plan de transition énergétique REPowerEU en moyens financiers nouveaux et, via un système de garanties, fournir des moyens aux États pour l’assistance en temps de crise. C’est là une demande pressante du Premier ministre italien en partance, Mario Draghi, même si le soutien du Premier ministre néerlandais Mark Rutte à cette piste reste à confirmer, lui qui s’est toujours montré réticent envers de nouveaux financements européens garantis par les Etats membres.

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