Privés de viande, les Argentins découvrent le merlu

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Alors que le prix de la viande rouge s’envole en Argentine, le gouvernement mène campagne pour inciter la population à manger plus de poisson. Ça va être difficile de les tenter.

Rien ne va plus en Argentine. Le prix de la viande rouge a augmenté de 40% en deux mois. A tel point que les Argentins ont été contraints de baisser leur consommation de près de 20% en en un an. Un sacrifice de taille pour la nation la plus carnivore du monde où l’ “asado” (barbecue) du dimanche est un rituel et où la consommation bovine par habitant est d’environ 70 kilos. Même les Etats-Unis font figure de petits joueurs à côté, avec une consommation de 41 kg par personne en 2008.

Désemparé, le gouvernement tente d’inciter la population à goûter à d’autres aliments que la viande rouge. On rappelle les qualités du poulet, qui reste la viande la moins chère. La présidente Cristina Kirchner est allée jusqu’à vanter les mérites aphrodisiaques du porc, lit-on dans la Nacion. Dernière initiative en date : promouvoir le merlu. Une grande campagne “du poisson, maintenant et pour tous” a été lancée. Des poissonneries itinérantes sillonnent les rues de Buenos Aires, offrent un kilo de riz pour un kilo de merlu acheté et distribuent des recettes de cuisine maritime… La présidente y a participé mardi en achetant trois kilos de merlu à la poissonnerie installée près de la Casa Rosada. Une fausse solution, explique un journaliste de la Nacion, puisque le filet de merlu aurait lui aussi augmenté de 44% cette année. Et la tendance ne va faire que s’accentuer avec la Semaine Sainte qui commence dans quelques jours. Lors de la dernières semaine du Carême, la consommation de poisson ayant tendance à croître, les prix devraient encore grimper de 20%.

Les raisons de la hausse

Si la hausse du prix de la viande marque les esprits, elle n’est que la partie la plus visible et symbolique d’une envolée tous azimuts. “Le gouvernement est assis sur une bombe à retardement appelée inflation”, dit Nicolas Salvatore, de l’institut Buenos Aires City (BAC). Les instituts privés contestent le chiffre officiel pour 2009 (7,7%), estimant que les prix ont augmenté de 15 %, soit la plus forte hausse dans la région après le Venezuela (+25,1%).

En ce qui concerne le boeuf, le gouvernement de centre-gauche attribue l’augmentation du prix aux fortes pluies depuis le début de l’année. Celles-ci auraient poussé les producteurs à maintenir leurs bêtes dans les champs pour qu’elles s’engraissent et leurs rapportent plus d’argent. Par ailleurs, la sécheresse record de 2009, qui a frappé cruellement un cheptel d’environ 55 millions de têtes en le réduisant de plusieurs millions, a eu un effet certain sur les prix.

Mais la presse anti-péroniste ne manque pas de relever la responsabilité du gouvernement dans la hausse des prix. Depuis 2006, il limiteen effet la quantité de viande qui peut être exportée, afin de conserver l’offre de viande locale et réduire les prix pour le marché intérieur. En 2008, les éleveurs n’ont été autorisés à exporter que 25 % de leur stock. Une politique efficace à court terme, mais à moyen terme, c’est précisément l’inverse qui s’est produit : les éleveurs se sont détournés du boeuf pour se consacrer à des secteurs plus lucratifs et moins régulés par l’Etat, comme l’agriculture, notamment du soja.

Ainsi, les éleveurs auraient abattu 16,3 millions de vaches en 2009, un record depuis 1978. Le cheptel bovin aurait par conséquent perdu 5 millions de bêtes en un an, selon Clarin, soit une baisse de 10%. Et cela ne va pas s’arranger : près de la moitié des bêtes abattues était des femelles, ce qui laisse présager une diminution encore plus importante du stock en 2010.

Laura Raim

Trends.be, L’Expansion.com

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