Privatisations: la Grèce et ses créanciers se montrent très (trop ?) ambitieux

Une statue du philosophe grec Socrate. © Reuters

En constituant un fonds censé amasser jusqu’à 50 milliards d’euros via des privatisations, la Grèce et ses créanciers se montrent très ambitieux, voire irréalistes, au vu de l’échec rencontré par les précédents programmes de cession d’actifs publics.

Athènes s’engage à transférer à un “fonds indépendant” ses actifs “de valeur”. Ce fonds doit ensuite les “monétiser”, soit en les vendant, soit en les exploitant de manière la plus rentable possible. L’objectif est de collecter 50 milliards d’euros sur toute la durée du troisième prêt, compris entre 82 et 86 milliards d’euros, dont devrait bénéficier la Grèce si les négociations aboutissent.

La moitié de ces hypothétiques recettes, qui représentent entre un cinquième et un quart du produit intérieur public grec, doivent aller à la recapitalisation des banques, 12,5 milliards d’euros sont destinés au désendettement et 12,5 milliards d’euros à des investissements.

S’il aura son siège en Grèce, et non au Luxembourg comme cela avait été un temps envisagé, ce fonds sera néanmoins placé sous la supervision des institutions européennes. Plusieurs incertitudes subsistent autour de ce projet.

Que doit-il advenir de l’agence chargée des privatisations déjà en place en Grèce? De combien de temps disposera ce pays pour trouver ces fameux 50 milliards d’euros? Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le montant est extrêmement ambitieux.

Les créanciers de la Grèce, qui est sous assistance financière internationale depuis 2010, réclament depuis le début des cessions d’actifs publics, mais à une moindre échelle. Aux termes du précédent plan d’aide, les ventes devaient rapporter quelque 23 milliards d’euros entre 2014 et 2022, soit entre deux et trois milliards d’euros par an.

L’agence chargée des privatisations, Taiped, a vendu depuis 2011 pour 7,7 milliards d’euros d’actifs, mais n’a encaissé pour l’instant qu’un peu plus de trois milliards d’euros.

Le 26 juin dernier, dans une analyse remarquée sur la dette grecque, le Fonds monétaire international a lui-même douché les espoirs d’une manne susceptible de provenir de privatisations.

Le Fonds soulignait en particulier que la vente d’actifs bancaires publics était censée procurer une dizaine de milliards d’euros. Or, il est peu probable que les investisseurs se ruent sur des banques grecques, qui croulent sous le poids des créances douteuses.

Le FMI estimait que les recettes des privatisations dans les prochaines années ne dépasseraient pas 500 millions d’euros par an. A ce rythme, il faudrait donc une centaine d’années au fonds de privatisation pour atteindre son but.

“L’objectif en matière de privatisations semble extrêmement ambitieux pour une économie qui reste plongée dans la pire récession de son histoire récente”, juge Diego Iscaro, analyste de la société IHS. “On va brader les actifs grecs”, renchérit Philippe Waechter, chef économiste de Natixis Asset Management.

Pour Charles Wyplosz, professeur à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève, la mise en place de cette structure est “extraordinairement intrusive”. “Que vont-ils faire ? Privatiser les monuments historiques?” ironise-t-il.

Par ailleurs, si la Grèce a déjà bouclé ou engagé les privatisations les moins controversées, par exemple celle de la loterie nationale, des paris sportifs ou du gaz, certaines ventes s’avèrent beaucoup plus sensibles, en particulier celles des ports et aéroports, et celle d’une partie du parc immobilier public. Le gouvernement a par exemple provisoirement bloqué la privatisation du port du Pirée, avant de relancer le processus, mais en réduisant à 51% la part qui sera cédée par l’Etat.

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