Lire la chronique d' Amid Faljaoui

Pouvoir d’achat: “Chéri, j’ai rétréci les courses”

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Ce soir, après avoir été au supermarché, et surtout après avoir lu cette chronique, vous pourrez sans doute dire à votre conjoint: “Chéri, j’ai rétréci les courses”. Et si votre conjoint ne comprend pas, dites-lui que l’inflation n’affecte pas que les ménages…

Car, si c’est vrai que le gouvernement nous annonce qu’il va bientôt nous proposer quelques mesures pour maintenir notre pouvoir d’achat, les entreprises, elles, n’attendent pas. Elles doivent aussi se protéger contre l’inflation de leurs coûts, que ce soit la hausse du prix de l’énergie, des matières premières, de l’indexation salariale, de la hausse du coût du transport, de l’allongement des délais de livraison ou de l’augmentation du prix des emballages…

Les entreprises ont plusieurs possibilités face à l’inflation. D’abord répercuter cette hausse auprès des clients, et c’est ce que la plupart d’entre-elles ont fait, d’abord avec réticence et ensuite forcées et contraintes si elles voulaient garder leur marge. Il faut dire que les entrepreneurs ont vécu quasi sans inflation pendant 40 ans, et donc, ils n’ont pas de repères face à ce nouveau monde inflationniste ; autrement dit, ils apprennent en avançant.

Et puis, d’autres entreprises jouent sur les gains de productivité, c’est surtout le cas pour des produits “Made in Belgium” ou “Made in France” qui par définition coûtent plus chers que des produits importés. D’autres négocient avec leurs fournisseurs pour garder des prix doux, d’autres font attention à leurs dépenses et les repassent au peigne fin pour sauvegarder leur marge. D’autres entreprises encore, j’ai envie de dire, se mettent à prier, je veux dire par là qu’elles font le gros dos en espérant que cette valse des étiquettes ne durera que quelques mois encore. Et puis finalement d’autres jouent la carte de l’hypocrisie, si je puis dire, mais dans le business, on n’utilise pas des gros mots comme “hypocrisie” mais plutôt des termes techniques, comme “shrinkflation”. C’est un barbarisme qui consiste à mélanger deux mots : inflation et “shrink” qui veut dire rétrécir, d’où mon allusion au fait que vous pourriez dire, ce soir, à votre conjoint : “Chéri, j’ai rétréci les courses”.

En effet, en période de crise, comme c’est le cas maintenant avec cette inflation, les industriels de la grande distribution n’en font pas de la publicité, mais parfois, ils réduisent les quantités des produits mais sans réduire les prix en grande surface. C’est ce qui explique que, parfois, pour le même prix, votre cannette, au design bien soigné, ne contient plus que 25 centilitres et non plus 33 centilitres de votre soft préféré. C’est ce qui explique aussi, et cela s’est déjà vu par le passé, que des paquets de chips sont bien gonflés mais à moitié remplis, ce qui en soi est déjà en contradiction avec le discours pro-planète de certains industriels de l’agro-alimentaire.

C’est vrai que de ce régime minceur, on en parle pas trop, sauf devant les analystes financiers qui, eux, ne sont pas dupes et scrutent à la loupe la stratégie des entreprises cotées en Bourse. C’était encore le cas, ici au mois de juin dernier, lorsque le directeur financier de Pepsico expliquait aux analystes financiers, que son entreprise “aura sans doute à faire le choix d’enlever des chips de nos paquets de Doritos plutôt que d’en augmenter les prix”. A vrai dire, cette astuce, qui consiste à réduire la quantité en maintenant le prix, n’est pas nouvelle, il y a quelques années, le groupe Unilever avait compressé ses déodorants Axe et Dove et à un autre moment, c’était le Suisse Toblerone qui avait supprimé un triangle de ses barres chocolatées. Comme le disait un humoriste, vous voilà prévenu, lorsque vous ferez vos courses, vous ne pourrez pas dire “j’ai eu le syndrome Gilbert Montagné, j’ai rien vu venir”.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content