Pourquoi la Wallonie n’encourage pas assez les communautés d’énergie

Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

C’est une solution importante pour réussir la transition et faire baisser la facture. Mais selon les acteurs du renouvelable, les conditions ne sont pas idéales en Wallonie, certainement sur le plan tarifaire.

Les communautés d’énergie, qui permettent de se réunir autour de productions locales d’énergie renouvelable, constituent une piste intéressante pour réussir la transition de nos économies et faire baisser les factures. Initiées par la Commission européennes, elles sont désormais effectives à Bruxelles et en Wallonie, depuis l’adoption des législations à cet égard, au début de l’année. A Namur, il reste des arrêtés d’exécution à prendre. Tant le secteur du renouvelable qu’une entreprise active dans le domaine s’inquiètent : en l’état, tout le bienfait de ces communautés d’énergie risque d’être réduit à néant. Parce que les obstacles sont tri importants.

Eric Monami, conseiller chez Edora, la fédération des énergies renouvelables, recadre pour Trends Tendances. “Le partage via les communautés d’énergie est un nouveau paradigme très intéressant, souligne-t-il. Mais en Wallonie, le cadre qui se met en place n’est pas idéal. D’une part, il reste un enjeu énorme concernant le déploiement du renouvelable à grande échelle, avec la question historique de l’éolien, mais aussi le photovoltaïque, désormais. En Wallonie, on met énormément de bâtons dans les roues. D’autre part, ce nouvel outil des communautés d’énergie est freiné. La transposition dans le droit régional est en retard, comme d’habitude, mais, en outre, un volet a été zappé – je dirais même contrecarré -, c’est l’enjeu tarifaire.”

“Aucun avantage tarifaire”

Contre l’avis et les prescriptions de l’Europe, explique Eric Monami, la Wallonie a décidé de n’octroyer aucun avantage tarifaire à la communication locale d’énergie en temps réel. “Cela fait pourtant longtemps qu’on leur dit que c’est inacceptable et qu’ils sont en train de passer à côté d’un des enjeux assez fondamentaux de cette réforme.” La Région bruxelloise, précise-t-il, vient de faire l’inverse : la consommation locale d’énergie renouvelable sera “favorisée de façon assez radicale”.

Les arrêtés d’exécution et la méthodologie tarifaire de la Cwap peuvent encore être adaptés en ce sens, mais cela ne semble pas prendre cette voie. “C’est assez paradoxal, parce que le but, c’est bien d’encourager la production locale” dit le conseiller d’Edora. Comment expliquer cela ? “De façon assez simple. Nous avons eu énormément de contacts avec le gouvernement et le parlement, l’explication est hyper-simple : c’est dû à leur mauvaise expérience du passé avec le soutien au photovoltaïque et la bulle financière qui en a découlé. Ils sont complètement tétanisés par cette histoire. En d’autres termes, ils craignent que la moindre ristourne qui serait octroyée aux clients actifs sur le partage local d’électricité doive être compensée par d’autres consommateurs.”

Il y a toutefois une erreur de raisonnement, selon Eric Monami. “Selon notre expérience, les gens qui investissent dans le renouvelable sont généralement ceux qui sont le plus incités à électrifier leur usage. Si on réduit les frais de réseaux, ils payeront peut-être un peu moins sur l’électricité qu’ils produisent, mais cette autoproduction ne couvrira jamais qu’une petite partie de leurs besoins.” Autrement dit, ils continueront à prélever sur le réseau, davantage qu’auparavant. Et cela contribuera bel et bien à la diminution de l’utilisation des énergies fossiles, au profit de l’électricité verte. “Les Wallons se trompent quand ils disent craindre un définancement du réseau, dit-il. Au contraire, on utilisera le réseau tant et plus.”

L’encouragement n’est donc pas effectif en faveur des communautés d’énergie. C’est particulièrement le cas pour les copropriétés où des gens pourraient partager une source de production renouvelable. “Il n’y a aucun effort tarifaire pour eux. Or, à Bruxelles, c’est zéro frais de transport et de distribution.”

Les projets découragés

A très court terme, des projets verront le jour, mais à terme, cela risque de peser sur le climat entourant cette initiative. Pierre de Liedekerke, Managing Director de Ether energy, confie que ce manque de volonté politique décourage les initiateurs de projet. “Nous resrons convaincu que ces communautés d’énergie ont un potentiel fantastique de réconciliation entre les riverains et les projets d’énergie renouvelable, dit-il. Parce que cela permet de diminuer les tarifs du réseau et d’absorber le surcoût lié à la crise et à notre dépendance aux énergies renouvelables.” La loi, dit-il, est une bonne chose. Mais…

“Mais nous aimerions que les citoyens wallons en profitent pleinement, prolonge-t-il. Nous développons un projet concret. Nous déposon une demande de permis pour un projet photovoltaïque à Presle, dans la région de Charleroi. Il représente la communication annuelle de 5000 ménages.” Des discussions ont lieu avec les autorités locales, des ménages et des PME. “Nous sommes enthousiastes. C’est intéressant en cette période d’énergie chère. Mais nous espérons que le cadre régulatoire sera adapté parce que, à terme, cela risque de ne plus être aussi intéressant.”

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