Pourquoi la victoire d’Obama sur la fiscalité des riches ne suffit pas

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Taxer les riches, c’était le principal enjeu du bras de fer sur le “mur budgétaire”, finalement remporté par Barack Obama. Mais les Etats-Unis ne font que commencer à aborder les questions qui fâchent: le mur de la dette et l’austérité qu’il faudra mettre en place pour le contourner…

Ouf! Les Etats-Unis vont éviter de rentrer dans le mur budgétaire… tout du moins pour l’instant. Comme on pouvait s’y attendre, un accord fiscal de dernière minute est intervenu entre les démocrates et un nombre suffisant de républicains pour éviter que ne soit appliqué de façon automatique un cocktail de hausses d’impôts (500 milliards) et de réductions de dépenses (100 milliards) – le fameux “mur budgétaire” – susceptible de plonger le pays dans la récession. Mais si Obama émerge comme le grand gagnant de cette première bataille, tout indique que les Etats-Unis n’éviteront pas les mesures douloureuses. Car le compteur de la dette continue de tourner.

En attendant, les marchés financiers ne cachaient pas leur soulagement. A Wall Street, le Dow Jones gagnait 1,99% et le Nasdaq 2,52% dans la matinée. Les Bourses européennes et asiatiques ont également commencé l’année 2013 sur les chapeaux de roue. Paris, Londres et Francfort ont terminé en hausse de plus de 2%. A Hong-Kong, les marchés ont clôturé la première séance de l’année sur un bond de 2,89%.

Un pilier du programme Obama

Adoptée mardi soir par la Chambre des représentants, par 257 oui dont 85 républicains, contre 167 non, après un large succès obtenu la veille au Sénat (89 voix contre 8), ce compromis in-extremis a immédiatement été salué comme une victoire personnelle par Barack Obama. “L’un des piliers de ma campagne présidentielle était de changer un code des impôts qui était trop favorable aux riches aux dépens de la classe moyenne”, a déclaré le président américain.
” A tous égards, l’accord fiscal négocié par M. McConnel (le chef de la minorité républicaine au Sénat, ndlr) et le Vice Président Joseph R Bidden Jr, marque un des changements les plus importants de la décennie, une mesure qui apporterait la visibilité et les certitudes dont le code des impôts a besoin et que demandent depuis longtemps la communauté financière et les contribuables ” approuve le New York Times.

L’enjeu du débat sur le ” fiscal cliff ” était en effet de revenir sur les larges baisses d’impôts accordées par George Bush il y a une dizaine d’années, et qui sont en partie responsables du creusement du déficit budgétaire américain. Face au veto absolu brandi par les républicains devant toute remise en cause de ces avantages, les démocrates mettaient en avant la possibilité d’en conserver une grande partie pour les classes moyennes mais de taxer plus fortement les plus riches. L’argument était d’autant plus fort qu’en l’absence d’accord, les hausses d’impôts auraient quand même eu lieu… mais pour tout le monde. D’où le ralliement d’une minorité de républicains, soucieux de ne pas se fâcher avec la majorité de l’électorat.

Des impôts payés à 46% par les 1% les plus riches


La première conséquence, c’est que le trésor américain devrait engranger 650 milliards de dollars supplémentaires sur 10 ans, selon les calculs de l’independent Committee for a Responsible Federal Budget. La deuxième, c’est que cet effort sera bien supporté en majorité par les plus aisés. Les 1% de ménages les plus riches assumeraient en effet 46% du poids des nouvelles mesures, dont 26% pour les 0,1% à l’extrême pointe de la pyramide, selon le Tax Policy Center. Les ménages gagnant plus de 2,7 millions de dollars paieront ainsi en moyenne près de 444.000 dollars de plus d’impôts en 2013. Ceux entre 500.000 et 1 million acquitteront quant à eux près de 15.000 dollars de plus.

Il s’agit donc bien d’une victoire pour Barack Obama, même si certains auraient voulu aller plus loin. L’accord prévoit en effet de reconduire les avantages fiscaux au dessous de 450.000 dollars de revenus annuel pour un couple et de 400.000 dollars pour un individu alors que les démocrates préconisaient au départ un seuil de 250.000 dollars. Mais au-delà, les hausses sont très sensibles.

Le taux marginal d’imposition va en effet passer de 35% à 39,6%. Par ailleurs, pour ces contribuables, la fiscalité sur les dividendes et les intérêts, y compris les plus-values réalisées par les managers de fonds d’investissement, sera porté de 15% jusqu’à 20%, voire 23,8% . Différents dispositifs de déductions fiscales seront par ailleurs plafonnés au-delà de 250.000 dollars de revenus. Cela dit, tout le monde devra faire un effort. La mesure ayant le plus grand impact est d’ailleurs la suppression d’un allègement de cotisations sociales de 2% sur tous les revenus salariés. Une mesure qui se fera sentir dès le mois de janvier et retira au total 100 milliards de dollars sur les fiches de paye en 2013…

Le débat sur la dette et l’austérité n’a pas encore commencé

Reste que l’accord passé fait l’impasse sur l’autre volet qui fâche, les réductions de dépenses. Les quelque 110 milliards d’économies qui devaient normalement entrer en vigueur le 1er janvier ont seulement été repoussées de deux mois grâce à différentes mesures d’urgence. Or les républicains entendent bien faire payer à Obama le prix de leur défaite sur les impôts. Et ce à l’occasion d’une nouvelle négociation au couteau sur le relèvement du plafond legal de la dette américaine fixé à 16.400 milliards de dollars. Une discussion d’autant plus urgente que ce plafond a déjà été atteint, seulement masqué par des artifices comptables.

Or concrètement, si ce plafond n’est pas relevé, les Etats-Unis ne peuvent plus emprunter, et le pays risque donc le défaut de paiement. On se souvient qu’en 2011, une négociation similaire avait échoué, débouchant sur la dégradation de la note américaine et sur le déclenchement du compte à rebours menant au fiscal cliff. Car l’objectif reste bien de réduire durablement le déficit budgétaire américain en échange d’un relèvement du plafond de la dette. En jeu: des centaines de milliards de dollars de réduction de dépenses publiques, dans la défense, notamment, mais aussi les programmes sociaux. D’où l’avertissement du président Obama: “Je négocierai sur beaucoup de choses, mais je ne débattrai pas encore avec le Congrès sur la nécessité d’acquitter les factures induites par les lois déjà adoptées”. Quoi qu’il en soit, c’est bien d’un programme d’austérité que les Etats-Unis s’apprêtent à discuter.

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