Pourquoi la Chine redoute de se venger sur la colossale dette américaine

Le président chinois Xi Jinping et le président américain Donald Trump © Reuters

Premier créancier des Etats-Unis, la Chine pourrait-elle vendre sa dette américaine ou dévaluer sa monnaie dans une éventuelle guerre commerciale avec Washington? Un scénario peu probable, tant ces stratégies seraient à double tranchant pour Pékin.

Le géant asiatique est assis sur un matelas de presque 1.170 milliards de dollars de bons du Trésor américains, selon des chiffres de Washington. Il détient donc dans ses colossales réserves de change 20% du total de la dette des Etats-Unis aux mains d’institutions étrangères.

Ce montant, en hausse de 115 milliards de dollars depuis un an, constitue en apparence un levier redoutable pour d’éventuelles représailles chinoises en cas de conflit commercial.

“Nous envisageons toutes les options”, avait répliqué fin mars l’ambassadeur de Chine aux Etats-Unis, Cui Tiankai, interrogé à ce sujet.

“Plutôt que d’investir dans de la dette des Etats-Unis, nous ferions mieux d’investir dans des actifs tangibles”, commentait lundi Fan Gang, membre du comité de politique monétaire de la banque centrale (PBOC).

Déjà en janvier, l’agence Bloomberg avait rapporté que des hauts fonctionnaires chinois révisant la composition des réserves de change recommandaient de ralentir, voire suspendre, les acquisitions de bons du Trésor américains.

Certes, alors que l’argent chinois finance un endettement américain en pleine expansion, une volte-face de Pékin pourrait faire tanguer les marchés financiers. Mais de l’avis des experts, la Chine aurait plus à perdre qu’à y gagner.

‘Pas d’alternative’

Si Pékin cessait d’acheter ou se mettait à vendre en nombre des bons du Trésor, cela pourrait provoquer “un mouvement de vente panique” sur le marché obligataire, au risque de “faire plonger la valeur de ses propres réserves de change”, prévient Mark Williams, analyste de Capital Economics.

Autre souci: l’encadrement étroit de la convertibilité du yuan complique la donne et réduit les marges de manoeuvre de la banque centrale.

“Si la PBOC veut garder le taux de change du yuan relativement stable, elle ne peut pas ajuster à sa guise le volume de devises étrangères qu’elle vend ou achète”, explique M. Williams.

L’institution puise volontiers dans les réserves de devises étrangères du pays (3.140 milliards de dollars) pour soutenir sa monnaie. En 2016, elle avait cédé 200 milliards de dollars de bons du Trésor en quelques mois pour tâcher d’enrayer une forte glissade du yuan.

Mais même alors, l’opération n’avait pas fait flamber le rendement des bons du Trésor, qui avait au contraire… reculé durant cette période. L’efficacité en termes de représailles pourrait donc s’avérer limitée.

“Il y a beaucoup d’acheteurs dans le monde pour la dette américaine”, a d’ailleurs commenté vendredi sur la chaîne CNBC le secrétaire au Trésor américain, Steven Mnuchin.

Enfin, pour une banque centrale en quête d’actifs extrêmement liquides –c’est-à-dire qu’elle peut céder aisément–, “il n’y a guère d’alternatives aux obligations américaines sur de tels volumes”, indique à l’AFP Stephen Innes, analyste du courtier Oanda.

“Il est improbable que Pékin s’en détourne”, estime-t-il, évoquant “une simple rhétorique +dent pour dent+”.

Liquidité

Comparé à l’Europe ou au Japon, “les marchés financiers américains sont les plus larges, liquides et flexibles”, confirme Michael Pettis, professeur à l’université de Pékin.

De plus, décrypte-t-il, les avoirs chinois de dette américaine sont liés à l’excédent commercial de Pékin avec les Etats-Unis, dont ils sont la contrepartie, les exportateurs chinois échangeant leurs dollars auprès de la banque centrale… qui ensuite “achète principalement des bons du Trésor”.

Cesser de le faire serait risquer une envolée du yuan au détriment du commerce extérieur chinois, avertit M. Pettis.

Le régime communiste semble lui-même exclure de recourir à ses réserves de change comme arme. “La Chine est un investisseur responsable sur les marchés internationaux”, a assuré la semaine dernière le vice-ministre des Finances, Zhu Guangyao.

Mais Pékin pourrait-il, à défaut, dévaluer le yuan pour avantager ses exportateurs ou compenser l’impact d’une hausse des droits de douane américains?

Une hypothèse jugée “improbable” par les analystes de la banque Macquarie et fermement exclue mercredi par le gouverneur de la PBOC, Yi Gang.

Là encore, la Chine pourrait y perdre: “Si elle dévalue le yuan et renchérit le coût de ses importations, elle diminue les revenus des ménages en termes réels (…) Cela irait à l’encontre de ses efforts pour doper sa consommation intérieure”, souligne M. Pettis.

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