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“Pourquoi il est nécessaire de réformer notre système public de pensions”

A l’heure où les syndicats manifestent pour ne rien changer, il est utile de rappeler pourquoi il est nécessaire de réformer notre système public de pensions et aussi pourquoi il est hélas difficile de le faire.

La Belgique connaît un système de pensions légales et aussi de pensions complémentaires. Ces dernières sont fondées sur le système de la ” capitalisation ” : les personnes qui y participent paient des cotisations, qui sont investies, et elles ont le droit, à un âge prévu, de recueillir le produit de cet investissement. Chacun paie pour soi-même, le système est fondé sur le contrat, et confère des droits acquis. La seule incertitude quant au montant net à percevoir est celui des taxes et autres cotisations qui frapperont le capital ou la rente de pension à percevoir.

En revanche, les pensions légales se fondent sur un système de ” répartition “. Contrairement à ce que la plupart des gens croient, ils ne cotisent pas pour ” leur ” pension. Lorsque le système a été élaboré, il était électoralement plus rentable pour les politiciens de l’époque d’attribuer déjà des pensions à des personnes qui n’avaient jamais cotisé. Il a donc fallu utiliser les premières cotisations des uns pour payer tout de suite les pensions des autres. Dans ce mécanisme où tous paient pour tous, aucun droit n’est jamais acquis puisque le système se fonde, non sur le contrat, mais sur la loi, et que l’attribution d’une pension devient une décision politique, toujours susceptible d’être modifiée.

Ce système de répartition ressemble sur deux points essentiels aux systèmes frauduleux des pyramides de Ponzi, ou de Madoff : les nouveaux paient pour les anciens, et les caisses sont presque toujours vides.

Le système de répartition de la pension légale ressemble sur deux points essentiels aux systèmes frauduleux des pyramides de Ponzi, ou de Madoff.

Par idéologie collectiviste, les syndicats aiment bien le système de la répartition parce qu’il facilite la redistribution des richesses. Mais ils n’en acceptent pas la conséquence, qui est que les droits à la retraite n’y sont jamais réellement acquis. Et ils s’opposent à toute modification d’un système qui a été conçu à une époque où la durée de vie était beaucoup plus faible qu’aujourd’hui, et où les pensions devaient donc être payées pendant beaucoup moins longtemps. Pour eux, il faudrait payer sans cesse des retraites de plus en plus élevées, de plus en plus tôt et pendant une période de plus en plus longue. Tout cela ne se conçoit, dans un système où il n’existe guère de capitaux permettant de payer les retraites à venir, qu’en faisant payer le contribuable encore davantage qu’aujourd’hui, en augmentant les cotisations, ou en finançant cette branche de la sécurité sociale par l’impôt. Et là, ils oublient vite que la Belgique est déjà un des pays les plus taxés au monde et que ce n’est pas ainsi que l’on incitera les actifs à travailler plus ou plus longtemps pour que le système fonctionne.

Or, la situation est grave. Si l’Etat fonctionnait comme une compagnie d’assurances, il devrait indiquer les engagements de pension à venir au passif de son bilan et certains estiment que la dette publique, déjà trop élevée, en serait triplée. Et tout cela, vu l’inefficacité habituelle des services publics, pour payer des retraites qui, hormis pour certaines personnes de la fonction publique, paraissent bien insuffisantes.

Malheureusement, par nature, les systèmes de pension sont les plus difficiles à modifier, parce qu’il faut tenir compte des espérances légitimes des personnes pensionnées et aussi de celles qui le seront plus tard. Tout changement doit être préparé très longtemps à l’avance pour être supportable. Le ministre des Pensions en tient compte, peut-être un peu trop, en proposant des réformes nécessaires mais timides : une augmentation progressive de l’âge de la pension, indispensable pour que les retraites demeurent payables, et une prise en compte un peu plus importante des cotisations payées par chacun, en faisant, très logiquement, dépendre le montant de la pension du nombre d’années de cotisations payées. Il a malheureusement accepté d’intégrer dans le calcul l’idée de pénibilité du travail, qui pousse les syndicats de tous les secteurs à faire valoir leur métier comme pénible, et ne peut aboutir qu’à une conclusion : seront jugés pénibles les métiers où les syndicats sont les plus représentés.

Tout ceci résulte de l’erreur initiale, qui a consisté à adopter le système de la répartition. Elle ne peut être corrigée que petit à petit, sans doute en ne conservant le système actuel que comme destiné à accorder un minimum vital, le solde devant être financé, à terme, par les pensions complémentaires, fondées, elles, sur la capitalisation.

Professeur ordinaire à l’ULB

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