Pour le FMI, il est temps que la mondialisation soit “différente”

© Reuters

La mondialisation a fonctionné mais elle doit être “différente” et ne plus se résumer à de simples appels à approfondir le commerce international, a estimé jeudi la directrice générale du FMI Christine Lagarde.

“Nous savons que la mondialisation a fonctionné, et qu’elle a considérablement profité à de nombreuses personnes”, a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse à Washington au moment où le protectionnisme a le vent en poupe aux Etats-Unis et en Europe.

Le candidat républicain à la Maison Blanche Donald Trump séduit les foules en annonçant une guerre commerciale avec la Chine et en promettant le retour des emplois industriels aux Etats-Unis.

“Nous ne pensons pas que ce soit le moment d’aller contre (la mondialisation)”, a commenté la patronne du Fonds monétaire international.

Mais la dirigeante a concédé qu’un changement s’imposait.

La mondialisation “doit être légèrement différente, cela ne peut pas se résumer à la promotion du commerce international telle qu’on l’a vu dans l’histoire”, a-t-elle déclaré en ouverture de l’assemblée annuelle FMI-Banque mondiale.

Cette prise de position intervient au moment où deux vastes traités de libre-échange négociés avec les Etats-Unis, le TTIP en Europe et le TPP en Asie-Pacifique, suscitent une opposition croissante.

Selon Mme Lagarde, la communauté économique doit s’assurer que la mondialisation “profite à tous” et qu’une plus grande attention soit portée “à ceux qui risquent d’être laissés sur le bord du chemin” du fait de changements technologiques ou de l’ouverture des frontières commerciales.

L’Allemagne sous pression pour relancer la croissance mondiale

Par ailleurs, l’Allemagne, qui assumera la présidence du G20 l’an prochain, s’est retrouvée sous pression à Washington pour qu’elle participe davantage aux “efforts collectifs” de relance de la croissance mondiale, en augmentant ses dépenses.

“Certains pays disposent de marge de manoeuvre budgétaire. Parmi eux, il y a sans aucun doute le Canada, l’Allemagne ou encore la Corée du Sud”, a affirmé la directrice générale du FMI, en ouvrant la réunion d’automne du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

“C’est la première fois qu’elle désigne nommément l’Allemagne”, a assuré à l’AFP une source européenne, rappelant que la directrice générale se contentait jusqu’à présent de lancer un appel général à activer le levier de la dépense budgétaire pour relancer une croissance mondiale morose, qui devrait ralentir à 3,1% cette année.

Mme Lagarde est même allée plus loin en jugeant que la baisse d’impôts annoncée par le gouvernement de la chancelière Angela Merkel n’était pas suffisante: “Nous espérons que cette baisse fasse partie d’un paquet de mesures plus large qui exploite la marge de manoeuvre budgétaire dont dispose l’Allemagne”, a-t-elle déclaré sans détour.

Selon elle, les taux d’intérêts très faibles sur les marchés donnent une opportunité à “des pays comme l’Allemagne” pour se financer à bas coût sur les marchés pour “développer ses infrastructures”.

Changement de ton

Ce changement de ton coïncide avec une réunion du G20 finances, qui se tient à Washington en marge de celle du FMI, la dernière avant que Berlin n’assume l’année prochaine la présidence de groupe des principales économies développées et émergentes.

“C’est le moment choisi par les Etats-Unis pour faire pression sur l’Allemagne pour qu’elle mette certains points à l’agenda de sa présidence l’an prochain”, a expliqué à l’AFP une source proche des négociations.

Parmi les points en question: l’appel aux pays disposant de marge de manoeuvre budgétaire à dépenser plus.

Washington et Berlin ont déjà connu des différends par le passé.

En 2013, le Trésor américain avait déjà critiqué le modèle économique de la première puissance économique européenne, et notamment la faiblesse de sa demande intérieure par rapport à ses exportations. Des remarques balayées à l’époque par Berlin qui les avaient jugées “incompréhensibles”.

Avec des excédents commerciaux colossaux et pas de déficit budgétaire, l’Allemagne figure forcément en première ligne à chaque fois que le FMI et d’autres institutions lancent un appel à des “efforts collectifs” pour remettre la croissance mondiale sur les rails.

Mais son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, fait la sourde oreille, même s’il prend pour “un compliment” que Mme Lagarde ait cité son pays.

“L’Allemagne se porte bien économiquement parce que nous respectons les règles mises en place en Europe”, a-t-il rétorqué lors d’une table ronde avec la directrice générale du FMI, exigeant comme d’habitude de ses partenaires européens, comme la France, qu’ils respectent ces mêmes normes.

“Faire pression sur Wolfgang Schäuble?”, a ironisé le commissaire européen à l’Economie Pierre Moscovici, pas vraiment convaincu que cette méthode porte ses fruits.

Il a toutefois rappelé que Bruxelles a exprimé par le passé le même message que le FMI. “Cela figure de manière explicite dans les recommandations qui sont adressées à l’Allemagne. C’est aussi ce que dit le G20”, a-t-il expliqué lors d’une rencontre avec la presse à Washington.

“L’Allemagne a fait des efforts pour relancer son investissement intérieur”, a-t-il toutefois reconnu, rappelant notamment que Berlin avait mis sur la table 5 milliards d’euros pour accueillir les réfugiés.

“Mais le bout du chemin n’est pas encore atteint”, a estimé le commissaire.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content