La confirmation du plan de restructuration annoncé par Delhaize en juin dernier, mais surtout l’annonce des détails de l’effort qui devra être supporté par les travailleurs non licenciés, a suscité l’indignation et donné lieu à un mouvement de grève massif. C’est qu’ici on touche à la corde la plus sensible : le salaire.
Il s’agit d’ailleurs de la grande différence avec le plan annoncé – et bouclé ! – chez Cora : pour faire passer la pilule et réduire les coûts, l’enseigne passera par des prépensions à 55,5 ans, des départs à la retraite anticipés, du crédit-temps et de l’intérim. Un cocktail savant qui a évité la grogne des syndicats mais qui ne doit pas plaire à Daniel Bacquelaine (MR), le tout nouveau ministre des Pensions, dont la mission principale sous cette législature est de “progressivement amener la durée des carrières à 45 ans”. Bonne chance.
Travailler plus, plus longtemps, pour gagner moins : le refrain fait mal aux tympans
Travailler plus, plus longtemps, pour gagner moins : le refrain fait mal aux tympans mais résonne pourtant de plus en plus souvent dans un contexte économique et démographique défavorable. Quand la déflation est à nos portes, que les prix baissent et que les marges se réduisent pour les entreprises, l’ajustement des rémunérations devient mécaniquement l’arme ultime pour se prémunir d’une déroute financière. Delhaize est aujourd’hui le porte-étendard de cette douloureuse équation.
Mais réduire les salaires, d’autres l’ont fait avant Delhaize. On pense notamment aux banques, BNP Paribas Fortis en tête, qui a négocié en 2011 un Plan cafétéria visant à réaliser 200 millions d’euros d’économies par an dont 70 au niveau du personnel (à titre de comparaison, Delhaize travaille sur un plan de 80 millions d’économies dont 12,5 au niveau du personnel). La facture pour les travailleurs de l’ex-Fortis s’élevait à 3 % du salaire brut mais pour éviter un impact mensuel récurrent, la banque avait choisi de ponctionner ces montants une fois par an au niveau du 13e mois, celui-ci étant du coup amputé de 36 %. Les 64 % restants pouvaient quant à eux être modulés suivant un éventail de possibilités : paiement cash, plan de pension complémentaire, voiture de société, abonnements TEC et Cambio. Malin.
Chez Delhaize, si on refuse de communiquer les modalités précises du plan tant que la phase d’information n’est pas terminée, il semblerait que toutes les catégories de travailleurs soient également concernées. Encore heureux. Dans quelle mesure exactement, c’est moins clair : pour éviter de toucher à la rémunération de base, on joue généralement sur des avantages qui diffèrent d’une catégorie à l’autre – la pause rémunérée du personnel de magasin en est un. Ces fameux acquis sociaux, qui n’ont d’acquis que le nom et qui en cela trompent les gens : car en définitive, même si toute baisse de rémunération, qu’elle soit décidée ou non dans le cadre d’un plan collectif, ne peut s’opérer qu’avec l’accord des travailleurs, elle est presque toujours la moins mauvaise option.
Conclusion : seules les compétences peuvent être réellement acquises et elles sont sans doute le bien le plus précieux à acquérir, surtout en période de crise. Reste à déterminer qui en est le responsable : le travailleur bien sûr, mais pourquoi pas aussi l’employeur. Invitons les syndicats et les politiques à se battre dorénavant pour ces acquis sociaux-là.