Politique à la loupe: pour la transparence des algorithmes, une proposition de Vanessa Matz (cdH)

Vanessa Matz - Cette juriste de 47 ans a longtemps été collaboratrice dans diverses instances du cdH (staff présidentiel, groupes parlementaires, cabinets ministériels) avant de devenir sénatrice (2008) puis députée (2014). Elle a été échevine à Aywaille de 1998 à 2012. © PG
Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

L’intelligence artificielle facilite le travail administratif. Mais les citoyens ont le droit de savoir sur quels algorithmes se fondent les décisions qui les concernent, estime la députée cdH.

L’exemple est venu de Juan-les-Pins. Cette commune méditerranéenne publie en effet sur son site les algorithmes qui peuvent fonder une série de décisions individuelles concernant les habitants. “La juriste Elise Degrave (professeure à l’UNamur et experte en droit du numérique, Ndlr) y a fait allusion lors d’une audition au Parlement, se souvient la députée Vanessa Matz (cdH). Je me suis dit que nous pouvions essayer de transposer l’idée en Belgique.” Elle a donc déposé une proposition de loi visant à obliger les administrations fédérales à publier les algorithmes qu’elles utilisent afin de remplir leurs missions. “Si l’administration fiscale vient contrôler chez vous et pas chez votre voisin, c’est très souvent en fonction des algorithmes utilisés, explique-t-elle. Vous devez avoir le droit de savoir quels éléments ont conduit aux décisions qui vous concernent. L’administration doit motiver ses actes, cela vaut aussi quand des machines font le travail.”

Les évolutions technologiques facilitent et accélèrent le travail de l’administration, tout en permettant de mieux détecter des erreurs ou fraudes. De vrais avantages pour le service aux citoyens. “J’en suis parfaitement consciente, nuance Vanessa Matz. Il ne s’agit pas d’interdire les algorithmes mais d’assurer leur transparence, d’éviter qu’ils soient utilisés en dehors de tout contrôle. C’est un véritable enjeu démocratique.” La députée s’appuie notamment sur des recommandations du Conseil de l’Europe pour qui, faute de transparence, les algorithmes peuvent aussi “amplifier les préjugés” et “reproduire des schémas de discrimination bien ancrés”. “Nous voyons tous l’intérêt, voire la nécessité de manipuler des données, ajoute-t-elle. Mais cela ne peut pas se faire comme des cow-boys. Nous avons besoins de règles.”

Ces dérives potentielles ne concernent pas la seule administration fédérale. C’est pourquoi les députés cdH relayeront le principe aux autres niveaux de pouvoir. Mais le problème ne se limite pas non plus à la sphère publique. Ne faudrait-il pas baliser aussi l’action des entreprises privées? “Nous réfléchissons à l’utilisation des algorithmes par des groupes privés, répond Vanessa Matz. Mais chaque chose en son temps. Nous balayons d’abord devant notre porte, celle du secteur public, et l’étape suivante concernera les entreprises privées.”

Tracer des sillons

Cette proposition n’est pas la première incursion de la députée d’Aywaille dans l’économie numérique. Elle est également à l’origine de textes visant à “l’imposition des bénéfices des sociétés ayant une présence numérique significative” ou à la “responsabilité solidaire” des entreprises de commerce électronique pour le paiement de la TVA. Membre de la commission de la Justice, Vanessa Matz a également déposé plusieurs propositions de loi relatives à la répression de l’inceste ou aux agressions sexuelles virtuelles. “Je ne cherche pas la polémique ou la surenchère politicienne, conclut-elle. Mon boulot, c’est de tracer des sillons et de faire émerger ces débats de société.”

NB: Si le PDF ne s’affiche pas ci-dessous, vous pouvez le consulter ici.

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