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Plus nous serons dépendants économiquement de la Chine et moins nous pourrons la critiquer

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

L’Europe essaie de contrer la Chine dans sa sphère d’influence. Elle ne le dit pas aussi brutalement, on n’évoque même pas le nom de la Chine pour éviter les incidents diplomatiques, mais ce mercredi Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne a présenté le plan de l’Europe pour contrer les “nouvelles routes de la soie” mises en place par la Chine.

L’idée de l’Europe est de mobiliser jusqu’à 300 milliards d’euros d’ici 2027 pour des projets d’infrastructures physiques notamment en Afrique. La Chine regarde ça avec intérêt, mais est loin de s’inquiéter. Via son programme des “nouvelles routes de la soie“, la Chine a déjà tissé sa toile en Afrique depuis plusieurs années. Elle a prêté des milliards et des milliards d’argents aux pays africains, mais sans le “prêchi-prêcha” déontologique des Occidentaux. Autrement dit, cet argent prêté n’était pas conditionné par le respect de la démocratie ou des droits de l’homme. Ce que voulait la Chine, c’est surtout avoir accès au sous-sol africain et à ses minerais. En moins de 20 ans, la Chine est donc devenue le premier partenaire commercial et surtout le premier créancier de l’Afrique. Le problème, c’est que cette aide chinoise se révèle aujourd’hui dangereuse. D’abord, les pays africains se rendent compte que la Chine profite de ce lien sur le plan politique : l’Afrique apporte 54 voix à la Chine à l’ONU. Si la Chine dirige 4 agences onusiennes, ce n’est donc pas par hasard. Ensuite, les entreprises chinoises implantées en Afrique paient rarement des impôts et ça crée une concurrence déloyale pour les entreprises africaines locales. L’impôt ne rentre pas dans les caisses des Etats, ce qui freine le développement de ces pays. Mais comme la plupart des politiciens africains détestent l’administration fiscale, le discours des fonctionnaires qui tirent la sonnette d’alarme tombe à plat au profit de la Chine.

En fait, le vrai danger des fameuses “routes de la soie” mises en place par la Chine, c’est qu’en échange de prêts importants un pays peut perdre son indépendance. Le Monténégro, petit pays européen en a fait l’expérience récente. Le Monténégro avait fait appel à la Chine pour financer une autoroute de 42 km de long. Au printemps dernier, ce petit état européen tirait la sonnette d’alarme, car il était incapable de rembourser ses dettes et donc le danger était de voir la Chine devenir propriétaire d’une bonne partie du pays. Exactement comme un créancier qui n’est pas payé peut venir se servir chez le client pour se faire rembourser. Voilà un exemple parmi tant d’autres qui explique que l’Europe veut aussi contrer l’influence de la Chine en Afrique et en Europe.

N’oublions pas que plusieurs ports européens appartiennent aujourd’hui à la Chine. Au-delà du port grec du Pirée, l’entreprise d’Etat chinoises Cosco contrôle en partie une bonne dizaine de ports en Europe, le port de Zeebruges et d’Anvers. Autant le savoir, car plus nous serons dépendants économiquement de la Chine et moins nous pourrons la critiquer. L’exemple de la Grèce le montre, ce pays dépend de la Chine et bloque souvent les condamnations européennes en matière de respect de droits de l’homme. Ce qui n’est pas l’idéal démocratique auquel nous aspirons.

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