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Plexiglas et arbitraire

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Comment peut-on expliquer qu’une méthode réputée efficace à l’intérieur pour éviter la propagation du virus entre les ministres soit subitement inefficace en extérieur sur une terrasse?

La photo a fait le tour des réseaux sociaux: on y voit le conseil des ministres au grand complet, soit 30 personnes, dans une salle évidemment couverte, en train de poser pour les photographes. Ils semblent très fiers de la superbe installation, certainement très efficace, qui leur permet, à leurs yeux, de respecter leurs règles de distanciation sociale: chacun de nos dirigeants est séparé de ses voisins de gauche et de droite par un grand écran en plexiglas. Ce beau système de protection est payé avec l’argent du contribuable mais si l’on veut éviter d’être populiste, il faut reconnaître qu’un système efficace permettant la réunion des membres d’un gouvernement est une dépense bien justifiée.

Comment peut-on expliquer qu’une méthode réputée efficace à l’intérieur pour éviter la propagation du virus entre les ministres soit subitement inefficace en extérieur sur une terrasse?

On en retiendra donc que nos ministres, qui ont sûrement consulté les experts gouvernementaux pour s’assurer de l’efficacité de ce dispositif, considèrent que des plaques de plexiglas séparant des personnes assises à moins de 1,5 m l’une de l’autre sont une bonne méthode pour éviter les contaminations. Comme le gouvernement siège dans une salle, certes de grande dimension, cela veut donc dire que même à l’intérieur, ils estiment qu’en siégeant protégés par une plaque de plexiglas, ils respectent les règles destinées à éviter la propagation du Covid-19.

Pourtant, à la veille de l’ouverture des terrasses des restaurants, des ministres ont annoncé que ceux-ci ne seraient pas autorisés à placer des plaques de plexiglas entre leurs tables pour éviter de devoir les espacer de 1,5 m. Ils contredisaient ainsi un protocole qui avait déjà été diffusé et en vertu duquel nombre de restaurateurs ont acquis, à leurs frais, de tels dispositifs de protection. En catastrophe, on a publié une édition du Moniteur avec un arrêté ministériel confirmant cette interdiction.

Le commun des mortels – et donc aussi les restaurateurs – se posent alors une question. Les experts officiels ne cessent de nous dire depuis des semaines que la propagation du virus est très faible à l’extérieur, et donc qu’on pourrait prendre moins de précautions dans ce cas. C’est même l’idée centrale d’un “plan plein air”… Alors, comment peut-on expliquer qu’une méthode réputée efficace à l’intérieur pour éviter la propagation du virus entre les ministres soit subitement inefficace, au point d’être interdite, lorsque des gens qui ne sont pas ministres se restaurent en extérieur sur une terrasse?

A moins de penser quela qualité de ministre permet d’acquérir une certaine immunité, même relative, face au virus, on ne peut que s’étonner de cette différence quant à l’appréciation de l’efficacité de mesures. Il n’y a pas d’autre explication: les mesures prises par ce gouvernement sont incohérentes et elles relèvent de l’arbitraire.

Cet exemple n’est pas le seul. Chacun se rappelle les instructions contradictoires données à propos du port du masque qui, en quelques mois, a d’abord été déconseillé, puis interdit à la vente, puis à nouveau déconseillé, puis recommandé, et enfin obligatoire.

Le problème n’est pas seulement au niveau de quelques mesures éparses. Il se situe à tous les niveaux de la gestion de la lutte contre la pandémie. De tels exemples, même s’ils ne sont que des exemples, expliquent largement que des pans entiers de la population n’ont plus confiance en ce gouvernement et, au mieux, ne respectent ses mesures que par crainte de la répression.

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