Pierre-Alexandre Billiet (Gondola): “Il y a un risque majeur pour la grande distribution”

La distribution et l'alimentation face au coronavirus
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le CEO de Gondola met en garde contre un malaise profond et une stagflation en Europe ces prochaines années. Avec un impact négatif sur la consommation, mais aussi une menace sur le climat politique et social.

Pierre-Alexander Billiet, CEO de Gondola, souligne pour Trends Tendances combien la crise de l’inflation et la période d’incertitude actuelle vont modifier fondamentalement nos comportements de consommation.

Le grande distribution aux Etats-Unis chute en bourse en raison de la baisse de la consommation. Voit-on cela chez nous aussi?

On le constate déjà, en effet, avec la baisse de l’e-commerce, par exemple. Les chiffres officiels font état d’une baisse de 10%, mais nos chiffres indiquent plutôt une chute de 30%.

Il y a en effet un impact à attendre de la baisse de la demande sur la grande distribution en Europe. Aux-Pays-Bas, la baisse est déjà de 9% en volume. Nous avons précisément organisé un colloque à ce sujet cette semaine et c’est la tonalité globale qui en ressort en Belgique également.

Avec une chute de la demande, donc?

C’est ce que j’appelle le “crocodile”.

Vous avez d’une part une production qui baisse en raison de la rupture des chaînes d’approvisionnement, notamment, et d’autre part la confiance des consommateurs qui baisse en raison de l’inflation. Sous-production et sous-consommation: c’est un piège majeur pour la grande distribution.

Ajoutez à cela le fait que l’augmentation des prix à l’achat n’a augmenté que de 1,3% pour les clients, cela signifie que les entreprises ont pris une grande partie de l’inflation sur leurs marges.

Quel peut être le résultat?

Cela peut générer un malaise. Dans les théories économique, notamment de Charles Taylor, on précise bien que cela survient après chaque révolution. Ce n’est pas seulement un effet de la pandémie de Covid et de la guerre en Ukraine, c’est un phénomène plus large. On peut s’attendre à de la stagflation dans les année à venir, une inflation élevée et une baisse de la croissance.

Or, la consommation est un élément central de la dynamique économique…

Effectivement, et cela induit des conséquences de façon plus larges, aussi.

J’ai identifié trois phases.

La première, à laquelle nous avons assisté après le Covid, c’est la compensation. Après la crise sanitaire, les gens ont ressenti le besoin d’hyperconsommer. C’est un côté libidinal, une façon de combler les frustrations.

La deuxième, c’est la phase dans laquelle on se trouve: les consommateurs ont besoin de comprendre, d’analyser, de comparer les prix. C’est un comportement pseudo-rationnel parce qu’il reste des domaines dans lequel on est prêt à consommer de façon importante, on le voit avec les vacances.

La troisième surviendra dans un an ou deux ans: le consommateur va être complètement démuni, il ne comprendra plus rien sur la façon dont le monde tourne. C’est une phase de mimétisme. Ne comprenant plus, il aura tendance à suivre la masse. C’est le cas au niveau de la consommation, mais ce peut aussi l’être au niveau politique et social. Cela rejoint ce qu’un confrère écrivait sur la psychologie du totalitarisme. C’est à ce moment que se développe aussi des comportements irrationnels comme la malbouffe ou une forte consommation d’alcool.

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