“Peu importe les conséquences économiques, Poutine est décidé à restaurer la grandeur de la Russie”

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le président russe semble “décider cela tout seul comme s’il poursuivait une chimère”, estime Bernard Keppenne (CBC Banque). Malgré le fait que ce soit un “nain économique”, analyse Bernard Adam (Grip).

Le président russe Vladimir Poutine a “renversé la table” et rompu unilatéralement le processus de paix en Ukraine en reconnaissant les républiques du Donetsk et du Lougansk.

L’impensable s’est produit, réagit sur son blog Bernard Keppenne, chief economist chez CBC Banque et Assurance. Comment définir autrement ce qui est en train de se passer, la Russie a annexé une partie du territoire ukrainien et menace encore plus l’Ukraine. Et la situation pourrait s’enliser ainsi avec des sanctions qui ne vont en rien changer les intentions de Poutine.”

“La situation pourrait perdurer”

“Les premières conséquences sont nombreuses et les réactions sont l’expression d’une certaine incompréhension et de peur de l’incertitude, constate le chief economist. D’abord en Russie, la bourse s’est littéralement effondrée hier avec un recul de plus de 10% et le rouble s’est affaibli. Mais peu importe les conséquences économiques, Poutine est bien décidé à restaurer la grandeur de la Russie et semble décider cela tout seul comme s’il poursuivait une chimère.”

Cela induit des réflexes habituels: “Nous avons les réactions que l’on pourrait qualifier de normal, à savoir le retour vers les valeurs refuges et un désengagement des marchés boursiers. Les bourses européennes qui avaient déjà fortement souffert hier vont encore reculer à l’instar des bourses asiatiques ce matin.”

Mais cela laisse flotter aussi un parfum d’incertitude: “La situation pourrait perdurer, souligne Bernard Keppenne, car Poutine a clairement claquer la porte diplomatique au nez et à la barbe des Occidents et les marchés vont devoir vivre avec ce fait accompli et la mise en place des nouvelles sanctions. Les Américains devraient annoncer ces dernières probablement aujourd’hui et les 27 se réunissent ce mardi pour en discuter.”

Un nain économique

Dans une carte blanche publiée sur notre site, Bernard Adam, ancien directeur du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip), soulignait pourtant, lundi: “Les pays européens occidentaux et les Etats-Unis semblent terrorisés face aux menaces ambigües du président russe. Pourtant, la Russie est non seulement très faible au plan militaire face aux Occidentaux, mais son économie accuse aussi d’importantes faiblesses. Cela devrait logiquement calmer les inquiétudes des Occidentaux.”

Il précisait, notammùent: “La faiblesse principale de la Russie face à la puissance économique des autres acteurs économiques dans le monde réside d’abord au niveau de sa taille. Les chiffres de la Banque mondiale indiquent qu’actuellement, dans le Produit intérieur brut (PIB) de l’ensemble des pays dans le monde, les Etats-Unis représentent 25 % de ce total, l’Union européenne 18 % et la Chine 17,4 %. La Russie se situe à 1,75 %, soit à un niveau dix fois moindre que l’Union européenne ou la Chine. A titre de comparaison, l’Allemagne se situe à 4,54 %, le Royaume-Uni à 3,26 %, la France à 3,11 %, l’Italie à 2,30 % et le Canada à 1,94 %.”

La Russie est aussi le qui a le plus à perdre, tant au niveau des relations commerciales que du marché de l’énergie, argumente Bernard Adam. Ce qu n’a pas empêché Vladimir Poutine de passer à l’action.

Des sanctions à l’impact indécis

L’heure est désormais aux sanctions. Interrogés sur LCI, mardi soir, plusieurs économistes doutaient de leur efficacité face à la détermination froide de Vladimir Poutine, déterminé à défier l’Occident. Elles ne tiennent pas compte non plus d’un autre bouleversement en cours: le lien accru entre Moscou et Pékin, avec la Chine prête à compenser certaines pertes russes sur le plan économique. Enfin, elles ne porteront effet qu’après des années et resteront graduelles face aux provocations de Poutine, précisaient-ils.

“Même si elles se traduisent rarement par un changement politique radical, les sanctions économiques sont un outil puissant, y compris contre un pays de la taille de la Russie, et leur invocation préventive peut influer sur le dénouement de cette crise, soulignait l’économiste Sébastien Jean dans une tribune récemment publiée par Le Monde. Pour autant, leur efficacité reste limitée. D’abord, parce qu’elles ne changent pas la réalité des rapports de force sur le terrain, ni celle de la difficulté pour l’UE d’articuler une politique étrangère et de sécurité commune suffisamment crédible, réactive et cohérente. Ensuite, parce que l’utilisation de telles sanctions susciterait des représailles russes qui ne feront que rendre plus tendue et conflictuelle la relation bilatérale.”

La partie d’échecs mondiale risque de se prolonger longtemps.

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