Passeports et billets d’avion : le business autour des migrants vietnamiens

Pour un budget pouvant monter jusqu’à 50.000 dollars, les candidats vietnamiens à l’émigration vers la Grande-Bretagne peuvent obtenir un “pass VIP” incluant un billet d’avion, un faux passeport et même un avocat, un processus certes illégal mais réputé plus sûr qu’un trajet terrestre organisé par des passeurs.

Des détails sur ces voies migratoires bien organisées sont apparus sous les projecteurs de l’actualité après la découverte de 39 cadavres dans un camion près de Londres.

A l’origine identifiées comme chinoises, les victimes sont maintenant considérées comme probablement vietnamiennes après que des familles ce pays ont fait part de leurs craintes que leurs proches étaient à bord du camion frigorifique.

La qualité du voyage des migrants dépend de la quantité d’argent que leurs familles sont en mesure de rassembler. Il faut environ 15.000 dollars pour un voyage terrestre, mais jusqu’à 50.000 dollars pour un voyage par avion, bien plus rapide et confortable, selon plusieurs experts interrogés par l’AFP.

Le pass VIP inclut des documents de voyage et des vols vers l’Europe, souvent la France, l’Allemagne ou l’Espagne, avant une dernière étape vers la Grande-Bretagne.

Ces intermédiaires “vous mettent directement en contact avec un groupe en France qui vous aide”, explique à l’AFP Chung Pham, qui travaille pour Locate International, un groupe basé en Grande-Bretagne qui aide à retrouver des migrants vietnamiens disparus.

Une fois arrivés en Grande-Bretagne, les migrants reçoivent l’assistance d’avocats et de traducteurs dans l’hypothèse d’une arrestation par la police. “Cela vous montre le degré d’organisation” de ces groupes, souligne Chung Pham. La Grande-Bretagne est depuis longtemps une destination prisée des migrants vietnamiens grâce à des réseaux criminels bien implantés qui leur proposent même du travail, même si c’est souvent à des salaires plus bas que ceux qui leur étaient proposés initialement.

Les provinces du centre du Vietnam, particulièrement pauvres, comptent de nombreux passeurs et intermédiaires.

Les familles des candidats à l’émigration vendent des terres ou empruntent pour financer leur voyage, pariant sur la rentabilité de cet investissement.

VIP

La famille de Hoang Van Tiep pense qu’il figure au nombre des 39 morts retrouvés près de Londres. Les passeurs leur avaient pourtant promis que leurs 13.000 dollars lui assureraient un passage sûr depuis la France.

“J’ai entendu qu’il aurait un passage VIP à bord d’une voiture. Mais ils nous ont menti”, confie à l’AFP la mère du jeune de 18 ans, Hoang Thi Ai, dans sa maison à Dien Thinh, dans la province de Nghe An (centre).

Le jeune homme a vécu en France un an et sa famille avait déjà payé 17.500 dollars pour qu’il y arrive en passant par la Russie. Le dernier paiement était dû à son arrivée en Grande-Bretagne, mais sa famille n’a plus eu de nouvelles.

Elle n’a pas payé pour le voyage fatal en camion, mais elle doit encore 4.300 dollars à la banque. “Si j’avais su qu’il allait monter à bord de ce camion, jamais je ne l’aurais laissé partir”, raconte sa mère.

En dépit des promesses, les passeurs n’acheminent les migrants vietnamiens que jusqu’à la France ou la Belgique, et ils n’ont souvent alors pas d’autre choix que d’entamer un ultime voyage périlleux pour franchir la Manche.

– “Gros risques” –

Pour ceux qui n’ont pas de gros moyens, le voyage est plus long et dangereux : “avec la route +des paysans”, vous voyagez à pied ou dans un camion à travers la forêt et cela vous prend des mois”, résume Chung Pham.

Au cours de leur périple vers l’ouest, les migrants sont souvent forcés de travailler pour payer l’étape suivante de leur voyage, avec le risque d’être pris par la police.

Ils travaillent dans des cuisines, des usines ou sur des marchés. Certains, y compris des mineurs, sont contraints de se prostituer.

Beaucoup de migrants sont dupés par des passeurs qui leur font miroiter un voyage sans encombres s’ils payent suffisamment. “Ils prennet de gros risques (…) Ils n’ont aucun moyen de s’assurer de la véracité des promesses des passeurs, ils ne peuvent qu’espérer qu’ils tiendront parole”, raconte sous couvert d’anonymat un migrant vietnamien rentré au pays.

Mais même avec de tels risques la perspective d’une nouvelle vie est irrésistible pour beaucoup. C’est ainsi que Nguyen Van Hung a payé 17.000 dollars en 2019 à des passeurs pour un passeport et un vol vers la Russie. Sa famille a obtenu un prêt en disant à la banque qu’elle voulait se lancer dans la culture d’arachides.

De là il s’est ensuite rendu en France (sa famille ne sait pas comment) et les a appelés il y a quelques semaines pour demander à sa mère de l’argent pour financer la dernière étape de son voyage. “Nous n’avons plus eu de nouvelles depuis”, avoue sa mère, Nguyen Van Hung, à l’AFP.

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