Olivier Appert: “Le détroit d’Ormuz, c’est 20% du trafic pétrolier mondial”

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Voici quelques jours, deux pétroliers ont été la cible d’attaques non identifiées dans le détroit d’Ormuz, point clé du commerce du pétrole. Un risque majeur pour les économies occidentales. Trois questions à Olivier Appert, conseiller au centre Energie de l’Institut français des relations internationales.

Qui a déclenché les attaques ? Les Américains accusent l’Iran…

Il faut rester prudent. On se rappelle les déclarations fortes mais fallacieuses des Américains au Conseil de l’Onu en 2003, justifiant leur intervention en Irak contre Saddam Hussein par la détention d’armes de destruction massive. Mais on se rappelle aussi qu’en 2000, un destroyer américain avait été victime d’un attentat dans le port d’Aden. Il y a toutefois un élément surprenant : ces attaques ont été portées sur un bateau norvégien et un bateau japonais. Or, la Norvège n’est pas précisément un pays va-t’en guerre contre l’Iran et le premier ministre japonais était précisément en visite à Téhéran au moment où l’attaque a eu lieu.

Quelle est l’importance du détroit d’Ormuz pour le marché pétrolier ?

Environ 18 millions de barils par jour, soit 20% de la consommation mondiale de pétrole et 25% du GNL (gaz naturel liquéfié) y transitent. S’il y a un blocage du détroit d’Ormuz – ce qui n’est pas encore le cas -, il y aurait une possibilité de contournement pour 10 millions de barils par jour : un oléoduc traverse l’Arabie saoudite et débouche sur la mer Rouge, mais il a été attaqué par des drones récemment. Un autre passe par les Emirats arabes unis et un autre va d’Irak en Syrie. Mais il est aussi la cible d’attaques. Par ailleurs, la capacité d’autres pays dans d’autres régions d’augmenter leur production est relativement limitée : le Venezuela, le Nigeria ou la Libye ont des problèmes politiques, les Etats-Unis produisent déjà au maximum. Seule la Russie pourrait augmenter sa production.

Pour l’économie mondiale, quelles pourraient être les conséquences d’une escalade ?

Il y a un risque majeur. Comment réagiraient les compagnies pétrolières et les assureurs face à un regain de tensions ? Quelles seraient les réactions de Donald Trump ou des Gardiens de la révolution ? Ce qui est inquiétant, c’est qu’en réponse à cette situation, les Etats-Unis ont augmenté la capacité de leur cinquième flotte, basée à Bahreïn. Et à partir du moment où les armes commencent à s’exprimer au Moyen-Orient, on peut craindre des dérapages. Tout cela se situe dans le contexte d’une réunion difficile des pays producteurs de l’Opep fin juin ou début juillet. Réunion difficile, car le marché pétrolier réagit à des facteurs géopolitiques mais aussi à des facteurs économiques. Or l’économie mondiale ralentit en raison du conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis. Cela a tendance à faire baisser les prix. Mais les éléments géopolitiques ont tendance à les faire augmenter. Il sera donc intéressant de voir l’arbitrage que l’Opep, en lien avec la Russie, réalisera dans quelques jours.

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