“Noël est en avance” d’après Jean-Claude Juncker

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Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a présenté mercredi au parlement européen un plan d’investissement qui doit permettre d’injecter 315 milliards d’euros dans le circuit économique avec une mise de départ de 21 milliards. “Noël est en avance cette année”, a-t-il lancé aux eurodéputés.

Certains d’entre eux ont d’ailleurs le caractère fantaisiste de l’effet multiplicateur retenu. La Commission propose d’instituer un nouvel instrument, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), qui serait logé au sein de la Banque européenne d’investissement (BEI). Le FEIS pourrait compter sur des garanties provenant du budget communautaire à hauteur de 16 milliards d’euros, et sur cinq milliards additionnels injectés par la BEI elle-même.

En tablant sur un effet multiplicateur de 15, basé notamment sur les capitaux publics et privés attirés, la Commission croit que 315 milliards seront injectés dans l’économie sur la période 2015-2017.

Les Etats sont invités à alimenter la dynamique en investissant dans le nouveau fonds. Ces injections ne seront pas prises en compte dans le calcul du déficit pour l’application du pacte de stabilité, a proposé M. Juncker. Ce faisant, il ouvre une première brèche dans l’application des règles budgétaires très chères à l’Allemagne. La Commission pourrait même aller plus loin, en proposant d’exempter aussi les co-financements nationaux des fonds structurels, comme le réclame l’Italie depuis des années. Ces assouplissements feront l’objet d’une communication en janvier, laquelle devrait encore provoquer des remous entre les Etats membres.

L’ouverture annoncée mercredi a d’ores et déjà été saluée par les socialistes. “Le dogme de l’austérité a été brisé”, s’est exclamé le chef du groupe S&D Gianni Pittella. Il parle d’un “bon point de départ”. Côté belge, Hugues Bayet (PS) plaide pour un assouplissement des normes comptables (SEC) qui ont drastiquement réduit les capacités d’investissement des pouvoirs locaux.

Mais Jean-Claude Juncker ne semble pas avoir l’intention de brader le pacte de stabilité. “Certains disent que nous avons besoin de plus de dette. Ce n’est pas vrai. (…) Nous ne trahirons pas nos enfants et petits-enfants en signant davantage de chèques qu’ils devront payer en fin de compte”, a-t-il dit aux députés.

Face aux critiques sur la crédibilité de son plan, le Luxembourgeois a défendu “le plus grand effort dans l’histoire européenne pour mobiliser le budget européen en faveur de l’investissement”. “Chaque euro payé au fonds créera 15 euros pour des projets de recherche et d’infrastructure. Nous ne déplaçons pas de l’argent en vain, nous en maximisons l’impact”, a-t-il dit.

Beaucoup d’observateurs mettent en doute cet effet multiplicateur de 15. “Même en période de vaches grasses, on n’a jamais vu un tel effet de levier”, s’étonne ainsi M. Bayet. D’autres ont ironisé, au lendemain de la visite du pape, sur la “multiplication des pains” ou sur les “miracles financiers” promis par Jean-Claude Juncker.

Le président de la BEI, Werner Hoyer, semble toutefois valider les projections de la Commission. La recapitalisation de la BEI à hauteur de 10 milliards d’euros début 2013 devrait permettre d’atteindre haut la main l’objectif de débloquer 180 milliards, a-t-il noté. Un levier de 15 “peut donc certainement être atteint”.

Au coeur de la stratégie se trouve l’idée d’une prise de risque accrue. “Le FEIS se concentrera sur des investissements plus risqués et assumera les premières pertes éventuelles”, a souligné le vice-président de la Commission Jyrki Katainen.

Ces propos rappellent à l’esprit l’expérience mitigée des l’expérience des “projects bonds”, un autre instrument de partage des risques entre l’UE, la BEI et le secteur privé, qui a connu un raté significatif. Le projet Castor de stockage de gaz en Méditerranée, qui a tourné au fiasco, plombera la facture énergétique des Espagnols pendant trente ans. Plusieurs députés dénoncent une socialisation des pertes, que renforce selon eux le plan Juncker.

De l’avis unanime, la sélection des projets sera déterminante pour le succès de la nouvelle stratégie. Un task force travaille déjà depuis septembre pour identifier les dossiers les plus à même d’avoir un impact significatif. La Commission compte bien éviter les écueils du passé. “Permettez-moi d’être très clair: nous avons besoin de soutien politique, mais pas d’une politisation du plan. Pas de petits arrangements politiques, pas de liste de voeux nationales”, a prévenu M. Juncker.

Comme pour confirmer cette fermeté, il a refusé que le ministre italien Pier Carlo Padoan, au nom de la présidence du Conseil des ministres, vienne présenter le plan avec lui aux journalistes après le débat parlementaire.

Le plan Juncker n’en devra pas moins être approuvé par les Etats membres. Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, les 18 et 19 décembre, en tracera les contours définitifs. Difficile d’imaginer dans ce contexte que les tractations à venir ne donneront pas lieu aux habituels marchandages entre les capitales.

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