Moyen-Orient: les Etats arabes submergés de dettes

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Entre les pénuries, la flambée des prix et le risque de troubles, les Etats arabes espèrent garder la tête hors de l’eau.

La dette publique sera un problème majeur au Moyen-Orient en 2023, sachant que plusieurs Etats veulent, si ce n’est déjà fait, démarrer des programmes du FMI (dont deux pays sont des habitués). Pourtant, même en bénéficiant d’aide externe, la région aura du mal à s’extraire de l’engrenage de l’endettement. L’année à venir sera synonyme de budgets serrés, de nouvelles pénuries et privations pour des dizaines de millions d’Arabes.

Egypte

L’Egypte a annoncé en octobre un accord de 3 milliards de dollars avec le FMI, un apport indispensable pour un pays où les charges d’emprunt engloutiront à elles seules près de la moitié du revenu en 2023. Mais ce ne sera pas suffisant. Le gouvernement vendra quelques entreprises publiques afin de lever des fonds et tentera de limiter la consommation d’électricité pour stimuler les exportations de gaz naturel. Il continuera également à brider les importations, quoique de manière moins agressive qu’en 2022. L’enseignement et les soins de santé devront se contenter de peu.

Pour respecter les conditions du FMI, l’Egypte a dû dévaluer sa monnaie, qui a perdu 35% de sa valeur en 2022. Cela devrait contribuer à réduire la facture d’importation, alors que les marchandises internationales deviennent encore plus impayables. Pour certains investisseurs, la livre sterling pourrait encore chuter. L’inflation a connu un pic de 15% au mois de septembre (22% pour l’alimentation). Les prix grimperont encore plus en 2023.

Liban

En avril, le Liban a conclu un accord entre experts avec le FMI. Pour libérer l’emprunt de 3 milliards de dollars, il doit adopter un budget, imposer des contrôles de capitaux, réformer sa loi sur le secret bancaire et assainir son secteur financier. Il n’a respecté pratiquement aucun de ses engagements (le budget 2022 n’a été adopté que fin septembre) et il ne devrait pas faire beaucoup de progrès en 2023. Ni ses politiciens corrompus, ni ses banques insolvables ne veulent regarder la réalité en face.

Le pays subsistera grâce aux dons. Les transferts de fonds de la large diaspora injecteront un minimum de devises fortes ; l’Iran enverra du carburant pour assurer quelques heures d’électricité par jour. La pauvreté et le crime continueront de s’accentuer. Davantage de citoyens émigreront: la classe moyenne dans des avions, les pauvres risquant leur vie sur des bateaux de fortune.

Tunisie

La Tunisie se trouve quelque part entre les deux. Un accord avec le FMI se heurtera à l’opposition continue de l’UGTT, le puissant syndicat public qui craint que des réductions de salaires et de subventions ne soient imposées, aggravant la pauvreté. Le président autocrate, Kaïs Saïed, tentera d’intimider et de prendre le contrôle du syndicat pour qu’il se soumette. Il n’aura pas le choix. Le pays a toutes les difficultés du monde à importer des produits de base: les troubles guettent.

Tout le monde espèrera une aide des Etats du Golfe. Si les prix du pétrole restent élevés, ceux-ci auront des milliards de dollars à dépenser dans la région. Mais l’époque où les alliés recevaient de généreuses subventions est finie: ils considèrent désormais les pays comme l’Egypte comme des actifs en détresse. Les fonds souverains s’arracheront des parts dans les secteurs stratégiques mais les monarques seront beaucoup moins enclins à faire des chèques. L’Egypte s’est enlisée dans la dette pour construire des méga-projets douteux ; la Tunisie, pour payer l’une des masses salariales publiques les plus élevées au monde. Le Liban a transformé son économie en pyramide de Ponzi géante. Aucun de ces pays ne projette de mener une réforme sérieuse. Le mieux qu’ils peuvent espérer pour 2023, c’est de garder la tête hors de l’eau.

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