Marché du livre : un prix pas tout à fait unique…

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Avec le prix unique, les rabais, c’est fini pour tout le monde. Sauf pour les pouvoirs publics !

Le prix unique du livre a failli buter sur la complexité institutionnelle belge : quelle réglementation, la flamande ou la francophone, devait s’appliquer à Bruxelles, terre de rencontre entre les deux grandes communautés ? Dans pareils cas, le Fédéral arbitre et, dans un premier temps, il a rejeté toute idée de réglementation du prix du livre pour la capitale. Les négociations entre les ministres de la Culture et le ministre fédéral de l’Economie ont heureusement abouti -comme par hasard à la veille de l’ouverture de la Foire du livre- au compromis logique : c’est la langue d’édition de l’ouvrage qui dictera la réglementation à suivre.

Toute la Belgique peut donc désormais vivre sous le régime du prix unique du livre. Toute ? Pas tout à fait. Ce prix n’est en effet pas “unique” pour tout le monde : les écoles, les bibliothèques et autres organismes publics pourront bénéficier de rabais jusqu’à 15%, contre seulement 5% pour les particuliers. La ristourne pourra même grimper jusqu’à 25% pour les manuels scolaires. En d’autres termes, selon que vous relevez du public ou du privé, votre ristourne légale sur l’achat des livres pourra être multipliée par cinq ! S’octroyer un tel “auto-avantage”, il fallait quand même oser. Et sans guère de mauvaise conscience puisque le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a voté le dispositif à l’unanimité.

Enfin, peut-être un peu de mauvaise conscience tout de même. Quelques députés se sont interrogés sur ce point. Ils se sont cependant rapidement inclinés devant le fait que les ristournes aux collectivités sont, à l’heure actuelle, parfois supérieures aux plafonds fixés dans le décret et que, de toute façon, ni les écoles ni les bibliothèques ne pourraient continuer à acheter autant de livres si elles devaient, comme tout le monde, les payer au prix “juste” fixé par l’éditeur. Sans doute, les parlementaires, un brin déconnectés de la réalité, pensent-ils que les simples citoyens ne connaissent pas les mêmes problèmes de portefeuille…

Qu’on ne se méprenne pas sur ces quelques lignes: les objectifs de la réglementation du prix du livre sont parfaitement louables. L’expérience a montré que cette entorse au principe de la libre concurrence ne poussait pas les prix vers le haut (vous achetez vos livres moins chers en France, où le prix est réglementé depuis plus de 30 ans, qu’en Belgique) et qu’elle était salutaire pour soutenir la diversité éditoriale et éviter que le marché ne se racrapote à terme sur quelques best-sellers. Si les députés de la FWB en sont sincèrement convaincus, ne pourraient-ils vraiment pas, pour une fois, montrer l’exemple et appliquer la règle générale aux institutions qu’ils contrôlent ?

Imposer une norme à tout le monde mais s’en exonérer soi-même, c’est hélas un refrain connu de la vie politique. On l’entonne sur des airs aussi variés que le droit à la pension (le régime des mandataires est bien plus favorable que celui du commun des mortels), la taxation de bâtiments inoccupés, les intérêts en matière fiscale (deux fois plus lourds quand le contribuable doit de l’argent à l’Etat) et, désormais donc, le prix unique du livre.

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