Macron: réformer la France, ensuite unifier l’Europe

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L’année 2018 s’annonce faste pour le président français. Les réformes lancées en France devraient lui permettre de faire avancer son projet européen et de s’affirmer sur la scène internationale.

En 2018, le Royaume-Uni post-Brexit sera en retrait et Angela Merkel poursuivra son dernier mandat. Dans ce contexte, Emmanuel Macron va pouvoir continuer à se poser en futur chef de file de l’Europe. Elu en mai 2017, le jeune président français va d’abord chercher à réformer son propre pays, puis il tentera de refaire l’unité des pays européens, rétablissant la confiance dans l’avenir de l’Union européenne.

Réformer la France est un préalable indispensable pour faire avancer le projet européen. Emmanuel Macron a commencé à déréglementer le marché du travail quatre mois après son investiture. En réorganisant l’Etat-providence français et en réduisant les impôts et autres contraintes qui pèsent sur les entreprises, il devrait relancer la croissance économique et les créations d’emplois. Il va remettre à plat le budget inefficace de la formation professionnelle, favoriser l’apprentissage et redynamiser les bassins d’emploi. Son gouvernement va aussi commencer à plancher sur la réforme du système de retraites, la rationalisation de l’administration et la refonte de l’enseignement.

Les dépenses sociales de la France atteignent 30 % du PIB, soit 10 points de plus que la moyenne de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), qui regroupe principalement des pays riches. Mais Emmanuel Macron n’a pas l’intention de tailler dans les coûts à tort et à travers. Loin d’imiter le modèle de déréglementation américain ou britannique, il espère faire de la France une sorte de Scandinavie à la française. La réforme des retraites sera un bon test. Les 35 régimes de retraite français confèrent aux travailleurs différents droits, manquent de transparence et découragent la mobilité professionnelle. Le président va tenter de fondre ces régimes en un système à points, mieux adapté à un monde du travail plus imprévisible. Le principe sera de créer des droits individuels transférables, permettant facilement aux gens de passer d’un travail à un autre.

De tels projets vont être difficiles : ils vont exiger une mise en application rigoureuse et ne manqueront pas de susciter appréhensions et résistances. Les enseignants seront particulièrement agacés par certaines des mesures d’Emmanuel Macron dans le domaine de l’éducation. Des manifestations vont avoir lieu périodiquement. La cote de popularité du président va s’en ressentir, mais Emmanuel Macron va garder son sang-froid.

Convaincre la base

Son jeune parti fragile mais soudé, La République en marche, ne sera guère confronté à une sérieuse opposition parlementaire. Les socialistes vont lutter pour leur survie. Marine Le Pen va avoir du mal à faire l’unité de son parti d’extrême droite, le Front national. Il pourrait y avoir certains repositionnements des partis au centre droit, tandis que Les Républicains, emmenés par un nouveau dirigeant, Laurent Wauquiez, négocieront un virage à droite. Laurent Wauquiez deviendra l’une des deux grandes voix de l’opposition. L’autre sera Jean-Luc Mélenchon, à la tête du parti d’extrême gauche La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon ne manquera pas une occasion de présenter Emmanuel Macron comme un agent du capitalisme ultralibéral. Le président aura fort à faire pour convaincre sa base électorale, ancrée à gauche et au centre, qu’il ne gouverne pas uniquement pour les entreprises et les riches.

Si le chef de l’Etat tient ses promesses à l’échelle nationale, il sera plus crédible quand il s’agira de promouvoir ses réformes en Europe. Le 22 janvier, à l’occasion du 55e anniversaire du traité de l’Elysée, qui a raffermi les liens entre la France et l’Allemagne, il va tenter de donner un nouvel élan à ces relations. Certaines de ses idées vont se heurter au scepticisme en Allemagne, notamment ses projets pour la zone euro (création d’un budget, d’un ministre des Finances et d’un Parlement). Mais un terrain d’entente pourrait être trouvé sur une politique commune dans le domaine de la défense, de la sécurité et du renseignement, ainsi qu’en matière d’échanges dans l’éducation. Désireux de rendre l’Europe plus proche de ses citoyens, qui sont exaspérés par le jargon technique de la gestion de crise, Emmanuel Macron va renouveler la consultation de la base qui l’a aidé à constituer son nouveau parti.

Quand la première année de son mandat touchera à sa fin, Emmanuel Macron sera testé au-delà des côtes de l’Europe. Après des années d’une diplomatie française relativement discrète, il va chercher à jouer un rôle plus affirmé, prenant la tête d’initiatives sur le changement climatique, la Syrie, la Libye et la Russie. Il va essayer de réduire les dispositifs de sécurité dans les villes de France, ainsi qu’en Afrique, au Sahel. Mais le terrorisme restera l’une de ses préoccupations.

L’année qui vient va être marquée à la fois par le 60e anniversaire de la fondation de la Ve République par Charles de Gaulle et par le 50e anniversaire des révoltes étudiantes de mai 1968, qui ont précipité le départ du Général (le 27 avril 1969). Très attaché aux symboles, Emmanuel Macron sera conscient du poids du premier événement, et des risques du second.

A bien des égards, sa conception ” jupitérienne ” de la présidence traduit un retour à l’interprétation gaulliste des institutions et correspond à la refondation de la politique partisane qu’a entraîné l’élection du Général. Mais Emmanuel Macron va aussi veiller à ce que sa présidence ne soit pas perçue comme hautaine et dédaigneuse, afin de ne pas s’exposer à l’esprit de rébellion qui fait la spécificité française. S’il arrive à trouver le bon équilibre, cela pourrait être l’année où la France sortira de longues années de marasme et de déclin pour entrer dans une nouvelle période pleine de promesses.

Par Sophie Pedder.

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