Londres tente de rassurer les marchés qui restent fébriles
Le gouvernement britannique et la Banque d’Angleterre ont annoncé tous deux lundi de nouvelles actions pour tenter de rassurer les investisseurs affolés par un projet budgétaire colossal et non chiffré le mois dernier, mais les marchés restaient fébriles.
Le Chancelier de l’Echiquier Kwasi Kwarteng a avancé, face aux appels répétés d’économistes ou de parlementaires, la publication de prévisions budgétaires au 31 octobre, au lieu du 23 novembre initialement planifié. Il publiera en parallèle des mesures de moyen terme pour assurer que les finances publiques britanniques restent sur une trajectoire tenable. La Banque d’Angleterre a de son côté annoncé de nouvelles mesures pour assurer la liquidité sur le marché des bons du Trésor à long terme du Royaume-Uni, malmenés depuis le fiasco d’une présentation budgétaire de Kwasi Kwarteng fin septembre.
Les investisseurs ne semblaient pas rassurés pour autant, au vu des taux d’emprunt à 30 ans de l’Etat, qui n’ont pas cessé de grimper tout au long de la séance lundi, pour atteindre 4,68% vers 16H00 GMT, témoignant d’une défiance face à la dette britannique.
Problèmes pas réglés
Malgré le doublé du Chancelier et de la Banque d’Angleterre lundi, “les problèmes de fonds ne sont pas réglés”, note Ken Wattret, directeur pour l’économie européenne chez S&P Global Market Intelligence. L’avancée des prévisions est “bienvenue mais il est probable qu’il reste un gros trou budgétaire” non financé, ajoute-t-il, et les interventions de la Banque d’Angleterre dans ce contexte reviennent à “mettre un pansement sans soigner la plaie”.
Le 23 septembre, Kwasi Kwarteng avait dévoilé de vastes aides aux factures énergétiques pour faire face à la crise du coût de la vie, mais aussi d’importantes baisses d’impôts ciblant surtout les ménages les plus aisés. L’ensemble n’était pas chiffré mais les économistes évaluaient ce paquet budgétaire à un montant colossal de 100 à 200 milliards de livres.
Sans mesures d’économies prévues, il devait être financé entièrement par emprunt sur les marchés à une période où les taux d’intérêt augmentent fortement, avec une inflation très élevée de près de 10% au Royaume-Uni, la plus élevée du G7. Les investisseurs ont commencé à douter de la capacité de l’Etat à rembourser sa dette et se sont délestés des actifs britanniques, faisant plonger la livre sterling à son plus bas historique, et s’envoler les taux d’emprunt de Londres à long terme.
Intervention
Face à un risque de spirale baissière sur les titres obligataires à long terme qui fragilisait les fonds de pension et risquait de se propager aux conditions de crédit pour les ménages comme les entreprises, la banque d’Angleterre a dû intervenir à partir du 28 septembre. Elle a lancé un programme pouvant aller jusqu’à 65 milliards de livres de rachats de bons du Trésor à long terme pour empêcher un effondrement de la liquidité sur ce marché et apaiser la volatilité des cours et des taux.
Mel Stride, le président de la Commission parlementaire au Trésor, espérait lundi sur Twitter que la publication des prévisions budgétaires avant la prochaine réunion de la BoE pourrait, si elles parviennent à rassurer, inciter celle-ci à monter moins que prévu ses taux d’intérêt. C’est “crucial pour des millions de détenteurs de prêts immobiliers”, ajoute-t-il.
La présentation budgétaire de Kwasi Kwarteng le 23 septembre avait été unanimement condamnée, le FMI lançant un rare et cinglant appel à rectifier le tir, et les agences de notation abaissant leur perspective sur la dette britannique. Fawad Razaqzada, analyste chez StoneX.com, remarque pour sa part que la Banque d’Angleterre a prévu d’interrompre son action sur le marché de la dette britannique vendredi, mais que les investisseurs veulent voir ce qui se passera à partir de lundi prochain: “les investisseurs craignent qu’il y ait encore plus de volatilité”.
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