Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Liz Truss, la Dame de paille qui a parié sur du vent et récolté des courants d’air
C’est un ami qui m’a appris la démission de Liz Truss par WhatsApp. Il s’est contenté d’un bref, “la dame de fer en… paille”. La phrase est cruelle, mais comme il a raison.
Voilà une femme qui voulait suivre les pas de Margaret Thatcher qui a dirigé son pays d’une main d’une main de fer pendant 12 ans. D’où son surnom de Dame de fer. Liz Truss n’aura, au final, duré que 44 jours comme Premier ministre de la Grande-Bretagne, c’est un record historique. C’est surtout un échec qui appelle plusieurs commentaires.
Le premier, c’est que nous sommes dans un monde de communication, mais que cela ne suffit pas. Mes confrères du Figaro avaient remarqué que même sur le plan vestimentaire, Liz Truss a voulu être un clone de Margaret Thatcher. Elle a, par exemple, repris à son compte la chemise à lavallière blanche qu’avait portée Margaret Thatcher lors des élections britanniques de 1979. En démissionnant avec fracas sous la pression de ses collègues conservateurs, Liz Truss vient enfin de comprendre l’expression française “l’habit ne fait pas le moine”.
L’autre leçon de cette démission, c’est que les marchés financiers sont plus forts que les gouvernements. Les politiques de gauche pensent souvent que les marchés financiers sont contre la gauche. Non, ils sont contre les erreurs de raisonnement, les erreurs de logique. Liz Truss a voulu aller vite, trop vite en diminuant les impôts, mais sans expliquer comment elle allait financer ce manque à gagner et pire encore, elle a voulu au même moment augmenter les aides aux citoyens britanniques pour les aider à lutter contre l’inflation. Bref, elle allait faire déraper le budget de son pays, faire exploser la dette publique sans expliquer comment elle allait financer ces cadeaux. C’était de l’économie vaudou, et les marchés financiers l’ont immédiatement sanctionné par la hausse brutale des taux d’intérêt. Au point que la banque centrale britannique a dû agir en urgence pour éviter la catastrophe. Liz Truss a ensuite sacrifié son ministre des finances, un de ses fidèles. Mais que voulez-vous, c’est ça la politique : les amis servent de fusible. Son nouveau ministre des Finances n’a rien trouvé de mieux que de jeter aux orties le programme de baisse des impôts de la soi-disant nouvelle Dame de Fer.
L’autre leçon de cette démission éclair, c’est qu’en période de crise, il ne faut jamais, mais au grand jamais donner l’impression qu’on peut aider les riches. C’est suicidaire. Relisez vos livres d’histoire, c’est une constante. Dans son programme de baisse d’impôts, la Dame de paille avait prévu un déplafonnement des bonus des banquiers de la city, une baisse du taux de la tranche d’imposition la plus élevée, une baisse du taux d’imposition sur les dividendes. Des mesures qui font que l’opposition l’a immédiatement accusé de faire des cadeaux aux riches. Une posture très mal vue en période de crise du coût de la vie comme l’indiquent mes confrères du Figaro.
Les entrepreneurs belges qui vont souffrir de l’indexation automatique des salaires en janvier ne doivent pas se torturer l’esprit. Ils n’y échapperont pas, ils auront beau dire que cette indexation de 10% voire plus est suicidaire pour les entreprises belges, ils n’y échapperont pas. Notre Premier ministre Alexander De Croo l’a encore répété : faire un saut d’index serait un mauvais signal en ces temps de crise du pouvoir d’achat. Ce n’est certainement pas la démission de Liz Truss qui risque de le faire changer d’avis.
Pendant ce temps-là, le parti conservateur britannique doit se doter d’un 5e dirigeant en 6 ans. A ce rythme-là, le nouveau roi Charles III pourrait battre le record de sa mère qui durant son long règne a côtoyé 15 Premiers ministres. Quant à Liz Truss, elle aura le temps de méditer ce vieux proverbe : à parier sur du vent, on récolte des courants d’air !
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