Les rencontres de l’Écailler du Palais Royal: Luc de Brabandere & Pascal Laffineur
Le philosophe d’entreprise Luc de Brabandere et le CEO du groupe NRB Pascal Laffineur se connaissent plutôt bien. Pour “Trends-Tendances”, ils se sont mis à table pour parler des défis de la transformation digitale, mais aussi des bienfaits de la philosophie. Compte-rendu d’un repas placé sous le signe du zigzag.
Sur la couverture de l’ouvrage, quelques philosophes dessinés attendent patiemment le métro pour prendre la ligne 5 (Psychologie), la ligne 9 (Technologie) ou encore la 14 (Humour). Gentiment iconoclaste, Les Philosophes dans le métro est le dernier livre en date de l’auteur Luc de Brabandere, ancien directeur de la Bourse de Bruxelles reconverti en philosophe d’entreprise, qui met le lecteur sur les voies pénétrables de Socrate, Epicure et même Kant. Outre la réédition de cet ouvrage, le fringuant septuagénaire a également publié, au printemps dernier, un autre essai intitulé Petite philosophie de la transformation digitale qui propose aux responsables de différentes structures une méthode claire pour piloter leur digitalisation et se réinventer dans ce monde en pleine ébullition.
Patron du groupe liégeois NRB – un acteur de premier plan dans le secteur ICT en Belgique -, Pascal Laffineur connaît bien Luc de Brabandere et c’est avec plaisir qu’il a accepté cette invitation à déjeuner à la table de L’Ecailler du Palais Royal à Bruxelles. Morceaux choisis.
La résistance au changement est probablement l’une des choses les plus compliquées en entreprise. ” – Pascal Laffineur
TRENDS-TENDANCES. Monsieur de Brabandere, comment définiriez-vous votre métier de philosophe d’entreprise ?
LUC DE BRABANDERE. Je dirais que c’est la rigueur quand il n’y a pas de chiffres. Je vais vous donner un exemple concret. Il y a quelques semaines, un CEO me demande de réfléchir avec lui sur la problématique du cloud. Il me dit au téléphone : ” Je ne sais même pas par où commencer ! “. Il est actif dans le fromage…
PASCAL LAFFINEUR. Tu l’as envoyé vers NRB au moins ( rires) ?
L.d.B. ( Rires) Non ! Mais j’ai passé une journée avec lui et à la fin, il m’a dit : ” Je vous remercie. Maintenant, je sais par où je vais commencer. ” Voilà, c’est ça, mon métier.
Vous êtes un facilitateur d’idées ?
L.d.B. Quelqu’un qui clarifie, qui fait penser les gens…
P.L. Le talent de Luc, c’est de simplifier des concepts complexes. Par exemple, la différence entre créativité et innovation. Cette différence, je la fais mienne, non pas parce que c’est une vérité absolue, mais parce qu’elle clarifie les choses et qu’au moins, on met le bon mot sur le bon concept. Il est extrêmement utile de pouvoir se raccrocher à des schémas de pensée qui sont clairs. Moi, ça m’aide beaucoup.
L.d.B. Il faut en effet distinguer la créativité de l’innovation. Par exemple, Léonard de Vinci est créatif, mais absolument pas innovant…
Mais il a quand même imaginé l’hélicoptère avant tout le monde !
L.d.B. Mais il ne l’a pas réalisé ! Donc, il est absolument créatif, mais il n’a pas innové. En entreprise, on peut innover sans créativité. Si vous avez un restaurant et que, juste à côté de vous, vient s’installer un nouveau restaurant qui fait exactement la même chose que vous, ce restaurant innove, c’est-à-dire qu’il installe quelque chose qui n’existait pas, même s’il n’est absolument pas créatif puisqu’il vous a piqué l’idée. De la même façon, on peut être créatif sans innover. Kodak en est un très bel exemple. Quand j’avais 20 ans, Kodak était le Apple d’aujourd’hui. Cette entreprise a tout inventé : la photocopieuse, la photo instantanée, le CD-Rom… Mais elle a fini par faire faillite ! Pourquoi ? Très bonne créativité, mais pas d’innovation ! Le métier d’un CEO est d’alterner sans cesse créativité et innovation. En résumé, l’innovation, c’est : ” On améliore ! ” ; la créativité, c’est : ” On arrive au bout, il me faut un nouveau grand machin ! “. On en revient toujours à la même question : quel est le prochain grand machin et quand va-t-il surgir ? Ce qui n’est pas toujours facile…
P.L. D’autant plus que, parfois, il ne faut pas avoir raison trop tôt…
L.d.B. Surtout dans le domaine de l’informatique ! Quand on regarde le cimetière de l’informatique européenne, il y a deux parties : d’un côté, ceux qui n’ont jamais réussi à avoir un ” grand machin ” nouveau et qui ont fini par disparaître, et, de l’autre, ceux qui n’ont jamais réussi à décoller alors qu’ils avaient imaginé des trucs brillants ! Donc, il faut toujours trouver le bon équilibre entre créativité et innovation, mais aussi survivre au succès. C’est un vrai défi. On croit toujours qu’il faut survivre à la catastrophe ou à la maladie, mais il faut aussi pouvoir survivre au succès.
P.L. Je trouve que c’est un traumatisme colossal. Moi, j’ai démarré ma carrière dans les télécoms à la fin des années 1980. Les grands noms de l’époque étaient Alcatel, Nokia, Ericsson et d’autres compagnies européennes qui avaient le leadership mondial dans ce domaine. Je ne dis pas qu’elles ont toutes disparu car certaines d’entre elles se sont transformées mais, en tout cas, elles ne font pas partie des Gafa. Cela me fait d’ailleurs penser à une anecdote. Il y a quelques semaines, ma fille revoyait son cours d’histoire pour les examens et plus précisément la période du début du 20e siècle et l’avènement de la Première Guerre mondiale. Elle me disait qu’à cette période, la Belgique était dans le top 3 des puissances mondiales. Je lui ai répondu : ” Tu fais une erreur, là ! “. Hé bien non, c’était le cas…
L.d.B. La Belgique avait le Congo à l’époque…
P.L. D’accord, mais où en est-on aujourd’hui ? Donc oui, il faut survivre au succès et retrouver une dynamique qui soit porteuse. C’est vrai au niveau des entreprises, mais aussi pour les pays d’un point de vue géostratégique. Alors, on a mis un peu d’espoir dans l’Europe, c’est bien, mais où en est-elle aujourd’hui par rapport à la Chine et aux Etats-Unis ? Moi, je pense que nous avons besoin d’un rêve comme lorsque, en 1961, le président Kennedy avait promis qu’un homme marcherait sur la Lune avant la fin de la décennie. Peut-être que le Green Deal de la nouvelle présidente de la Commission européenne va nous enthousiasmer – je n’en sais rien – mais il nous faut quelque chose de cette dimension-là pour nous motiver et nous dynamiser. Bref, je pense que le rôle du CEO dans une boîte, c’est aussi ça : incarner l’espoir, insuffler une dynamique et surfer sur les succès tout en ne négligeant pas les difficultés. Il faut parler vrai sur ce qui va et ce qui ne va pas. Il ne faut pas faire d’angélisme, ni de catastrophisme, mais je pense qu’on a surtout besoin d’enthousiasme et c’est précisément le rôle du CEO d’avoir cette capacité à galvaniser ses équipes.
L.d.B. Le CEO doit rappeler à la structure que son entreprise est avant tout un projet. Elle naît comme un projet, elle grandit, grandit encore et, parfois, on en oublie le projet. Or, pour décider, il faut rester attentif au projet. Tu parlais à l’instant de la Belgique, mais le problème de ce pays, c’est que ses structures ont 70 ans. Aujourd’hui, beaucoup trop peu de nos entreprises sont ancrées dans la transformation digitale…
Dans transformation digitale, le mot important, c’est transformation. Transformer, c’est extrêmement difficile ! ” – Luc de Brabandere
P.L. Les problèmes que l’on a à résoudre dans la digitalisation sont rarement des problèmes de science ou de technologie. Ce sont beaucoup plus des problèmes humains, de process, d’organisation…
L.d.B. Des problèmes de résistance au changement !
P.L. Oui, tout à fait. La résistance au changement est probablement l’une des choses les plus compliquées en entreprise.
L.d.B. Dans ” transformation digitale “, le mot important, c’est ” transformation “. Transformer, c’est extrêmement difficile !
Vous écrivez d’ailleurs dans votre livre ” Petite philosophie de la transformation digitale ” : ” La difficulté n’est pas tant d’avoir de nouvelles idées, la difficulté vient plus de la nécessité d’abandonner des anciennes idées “.
L.d.B. C’est le problème de la Wallonie ! Son passé était tellement prestigieux que c’est plus compliqué aujourd’hui. Encore une fois, il faut survivre au succès. Aujourd’hui, le plus difficile dans une transformation, ce n’est pas de créer du nouveau, c’est de supprimer l’existant !
P.L. Exactement ! Dans les habitudes…
L.d.B. Et dans les modèles mentaux ! Dans les mots aussi. Cela me fait d’ailleurs penser à cette phrase dont je ne connais plus l’auteur : ” J’ai pardonné à mes ennemis, mais j’ai quand même gardé la liste “…
P.L. ( Rires) C’est pas mal, ça !
L.d.B. Mais on ne peut pas pardonner et garder la liste ! Quand on pardonne, on jette la liste. A ce propos, je citerais l’exemple de la société Philips pour laquelle j’ai beaucoup d’admiration. Si Philips n’avait pas effectué un virage stratégique il y a quelques années à peine, elle n’existerait plus aujourd’hui. La société était dans les consumer goods (les machines à laver, les lave-vaisselles, les télévisions, etc.) et elle n’avait aucune chance de survivre avec des concurrents comme Samsung et tous les autres. Qu’a fait le CEO de Philips en 2014 ? Il a décidé de recentrer toutes les activités sur deux pôles : la santé et l’éclairage. Peu de gens le savent, mais aujourd’hui, Philips tire la majorité de ses revenus – trois quarts du business, je pense – du monde de la santé. C’est un coup de génie ! Si la société était restée dans le gros électroménager, elle n’existerait plus aujourd’hui.
C’est ce que vous appelez ” l’art du zigzag ” avec, je vous cite, ” une pensée créative qui, dans le long terme, doit nécessairement alterner entre mieux de la même chose et autre chose ” comme l’on fait les pneus Michelin, par exemple, avec leur guide devenu célèbre mais qui était d’abord un guide de garages avant de devenir un guide de tourisme…
L.d.B. Oui et on pourrait aussi citer Amazon qui est aujourd’hui, je pense, n°1 mondial du cloud et dont le business, au départ, n’avait rien à voir avec cela. Ils ont commencé avec de la vente de bouquins et puis d’autre chose. C’est un bel exemple de zigzag…
P.L. Absolument !
L.d.B. Dans mon livre, je cite aussi Neuhaus, un grand nom du chocolat belge qui était, au départ, un pharmacien. Qu’a fait le fondateur Jean Neuhaus au milieu de 19e siècle ? Il a eu l’idée de recouvrir ses pilules de chocolat pour les faire passer plus facilement et c’est son petit-fils qui, finalement, a décidé d’attacher plus d’importance au chocolat qu’au médicament et de créer la première praline belge il y a un peu plus de 100 ans. Tout à coup, il y a un nouveau monde qui s’ouvre ! C’est ça, le zigzag : l’amélioration d’une idée de départ.
P.L. Quelles sont les entreprises qui ont plus de 100 ans ? Il n’y en a malheureusement pas tant que ça. Moi qui suis passionné de voitures, j’ai eu la chance de visiter récemment le musée D’Ieteren et on comprend que, dans le métier qui est le leur, ils ont changé plusieurs fois de business model et de type de produit. Il y a eu une transformation de l’entreprise en permanence et je pense que c’est ça qui explique sa pérennité.
Cela veut dire que vous réfléchissez déjà, vous aussi, au futur ” zigzag ” de NRB ?
P.L. Je dirais d’abord qu’il ne faut pas lâcher la proie pour l’ombre car on pourrait faire également la liste des entreprises qui ont tenté quelque chose de nouveau et qui se sont plantées. Il y a toujours une dose de rêve et une dose de pragmatisme aussi. Il faut jongler entre les deux. Mon rôle et mon challenge en tant que CEO, c’est d’avoir un coup d’avance sur les besoins de mes clients. Quelles seront, dans un hôpital, dans une commune ou dans une société d’assurances, les solutions digitales dont ils auront besoin ? Je dois être capable de les aider dans leur road map à long terme et, en faisant cela, je teste aussi ma capacité à le faire. Il faut donc avoir un certain réalisme tout en étant très ambitieux.
L.d.B. Je comprends ce dilemme permanent qui se résume à la question ” Jusqu’où puis-je prendre des risques ? “.
Monsieur Laffineur, en tant que CEO, vous arrive-t-il de vous nourrir de philosophie pour vos activités professionnelles ?
P.L. Les sciences humaines sont essentielles voire prédominantes dans le rôle de CEO. Je n’ai pas peur de le dire : Luc m’a ouvert un champ que je connaissais peu – la philosophie – mais tout ce qui est relatif à l’humain est, depuis longtemps, le coeur de mon métier. On me pose souvent la question : comment devient-on CEO d’une grande boîte ? Je réponds toujours qu’il vaut mieux être ingénieur pour y arriver, mais qu’il vaut mieux être psychologue pour y rester. Mon métier, aujourd’hui, ce n’est que ça : régler des problèmes entre les gens, trouver des solutions, etc. C’est beaucoup plus une question d’interactions humaines que d’équations mathématiques. Donc, pour répondre à votre question, je dirais que les sciences humaines sont absolument nécessaires à l’exercice d’un CEO. En revanche, l’aspect philosophique est un peu plus nouveau pour moi, je ne vous le cache pas, mais c’est un degré supérieur de compréhension, d’abstraction. Et je pense que ça va m’apporter beaucoup à l’avenir.
Les sciences humaines sont absolument nécessaires à l’exercice d’un CEO. ” – Pascal Laffineur
L.d.B. On voit de plus en plus que les sujets dominants à l’agenda d’un CEO ne sont plus chiffrés ni même chiffrables. C’est le stress des employés, l’image de marque…
P.L. Les chiffres restent malgré tout la base de la crédibilité de l’entreprise. Pour être sur la première marche du bon CEO, il faut quand même que l’entreprise marche bien. Entre parenthèses, cela me surprend toujours de voir que la plupart des grandes entreprises de type Gafa, qui n’ont jamais gagné un euro, sont capitalisées en Bourse à des valeurs incroyables, mais bon, ce n’est pas le sujet. Donc, la base de tout, c’est quand même d’avoir de bons chiffres. Après, pour les maintenir ou pour les améliorer, il y a des méthodes qui ne sont pas du tout chiffrées. L’essentiel, pour une entreprise comme NRB, c’est par exemple d’être reconnue comme étant un acteur de la transformation digitale sur son marché et je ne peux pas mettre un prix sur cela. Il faut donc un équilibre entre, d’une part, la croissance et la rentabilité sur le long terme et, d’autre part, les choses un peu plus complexes dont on parle à l’instant…
L.d.B. Dans une entreprise parfaite, on pourrait imaginer que le CEO délègue la croissance et la rentabilité à 100%. Aujourd’hui, je trouve que trop de patrons s’occupent de choses dont ils ne devraient pas s’occuper au sein de leur entreprise. C’est d’ailleurs toute la différence entre tourner rond et tourner en rond parce que, dans un monde qui change, une entreprise qui tourne rond peut très vite tourner en rond et donc ne pas se rendre compte que ce monde, justement, est en train de changer. Le rôle de CEO, c’est de réfléchir à cela et d’accompagner ses employés dans ce monde qui change. Or, cette réflexion, elle n’est pas chiffrable. J’en suis absolument convaincu.
P.L. Le CEO parfait n’existe pas ou, du moins, s’il existe, c’est celui qui a réussi à s’entourer des personnes dont il a besoin pour faire fonctionner la boîte. Le fait d’avoir en dessous de soi – ou plutôt avec soi – des personnes qui sont plus compétentes que le CEO dans leur domaine respectif est, à mes yeux, une chose essentielle. Car je ne pense pas qu’une seule personne puisse avoir à elle seule l’ensemble des qualités dont on a besoin dans une grande entreprise pour la faire tourner correctement. En revanche, le rôle du CEO est de faire en sorte que cette équipe marche bien et qu’il y a un réel plaisir de travailler ensemble.
Aujourd’hui, trop de patrons s’occupent de choses dont ils ne devraient pas s’occuper au sein de leur entreprise. ” Luc de Brabandere
Monsieur Laffineur, avez-vous lu ” Les Philosophes dans le métro ” de Luc de Brabandere, qui utilise la métaphore du voyage en métro pour redécouvrir la philo ? Il vient de sortir dans une nouvelle édition…
P.L. Pour l’instant, c’est mon livre de chevet. Je lis une ligne de métro chaque soir. C’est passionnant…
L.d.B. Ça me fait plaisir. Le livre s’accompagne d’un site internet, qui s’appelle www.lesphilosophesdanslemetro.com, et sur lequel on peut cliquer une ligne ou un philosophe. Ma préoccupation actuelle, c’est de trouver un partenaire pour le contenu. J’ai des contacts en ce moment avec un magazine qui s’appelle Sciences humaines et qui est intéressé. L’idée serait de pouvoir cliquer sur chaque philosophe et de renvoyer à tout ce qui a été publié sur lui dans le magazine. Ce serait du donnant-donnant. Je veux en faire une arme de vulgarisation massive. Pour moi, ce livre est un événement parce que je l’ai décentré par rapport à mon métier. Tous mes autres livres ont été, jusqu’ici, au centre de mon travail. En fait, on entre en philo par sa propre porte. Moi, je suis entré en philo par les machines à calculer…
Que vous collectionniez à une certaine époque !
L.d.B. Oui, mais j’ai finalement donné ma collection à deux musées. En fait, IBM m’avait demandé de consacrer un livre à ce sujet. Dans l’histoire du calcul, tout le monde reconnaît que c’est Blaise Pascal qui a inventé la première machine. Il avait développé une espèce de boîte à chaussures avec des engrenages et donc je me suis intéressé à sa vie. J’ai commencé à le lire et je me suis rendu compte que je connaissais finalement peu de choses de lui. Ensuite, je me suis intéressé à Descartes et, de fil en aiguille, à la philosophie dans son ensemble. Donc, moi je suis entré par la porte des machines à calculer mais, à force d’étudier, j’ai fini par constater que personne n’entrait en philo par la même porte.
P.L. D’où l’analogie avec le métro…
L.d.B. Oui !
Et donc, pour s’y retrouver, on a besoin d’un plan comme dans le métro. C’est neuf comme idée ?
L.d.B. ( Un peu gêné) Oui. Personne n’aurait jamais osé ! Car je prends quand même beaucoup de libertés…
P.L. Quel est l’avis des philosophes de métier à ce sujet ? Car il y a quand même encore quelques contemporains dans ton livre…
L.d.B. Plus beaucoup ( rires) ! Il y a Edgar Morin…
P.L. Ou leurs successeurs ? Tu as eu un avis à ce sujet ?
L.d.B. J’ai envoyé un livre à Edgar Morin qui a fêté ses 98 ans, mais je n’ai pas eu de réponse de sa part. Il y a aussi Noam Chomsky qui vit encore, Barbara Cassin…
P.L. Et l’avis des profs de philosophie à l’université ?
L.d.B. Il faut quand même savoir que je suis un peu excommunié par les académiques. Je ne suis pas docteur en philosophie. Je n’ai pas fait de thèse. En revanche, j’ai une vraie passion pour la philosophie…
P.L. Tu as aussi beaucoup de modestie dans la façon dont tu exprimes les choses, notamment en disant que tel ou tel philosophe pourrait être sur telle ou telle ligne sans que cela pose problème, et que c’est un choix qui est forcément…
L.d.B. Arbitraire !
P.L. Mais d’un autre côté, ça suscite le débat et c’est ça qui est intéressant.
L.d.B. La philo, c’est faire penser. Ce n’est pas penser à la place des gens. Quand on l’examine de près, la philo s’est nourrie du désaccord permanent. Aristote et Platon sont quasi en désaccord sur tout. C’est le désaccord le plus fécond de l’histoire parce que le fait même d’être en désaccord a obligé les gens à se positionner. Et donc, pour répondre à ta question, je n’ai pas eu de réaction parce que je ne suis pas dans ce monde-là.
Luc de Brabandere
– Né le 27 mai 1948 à Gand.
– Diplôme d’ ingénieur civil en mathématiques appliquées à l’UCL en 1971 et licence en philosophie à l’UCL en 2002.
– Il débute sa carrière en 1974 comme responsable des systèmes d’information à la Société générale de Banque où il reste jusqu’en 1989.
– Directeur général de la Bourse de Bruxelles de 1990 à 1991.
– Président de l’ Institut géographique national de Belgique de 1997 à 1999.
– En 2001, il fonde Cartoonbase, une banque de données de dessins humoristiques devenue aujourd’hui une agence créative.
– Associé du cabinet de conseil Boston Consulting Group de 2003 à 2013, il en a désormais le titre honorifique de Fellow.
– Auteur d’une quinzaine de livres dont Les Philosophes dans le métro paru récemment aux éditions Le Pommier dans une nouvelle édition.
– Il est aujourd’hui philosophe d’entreprise et professeur dans différentes universités.
Pascal Laffineur
– Né le 7 mai 1965 à Marche-en- Famenne.
– Diplôme d’ ingénieur civil à l’UCL en 1988 et master en administration des affaires à HEC Saint-Louis en 1994.
– Il débute sa carrière en 1989 comme project engineer puis project manager chez Alcatel à Charleroi où il reste jusqu’en 1996.
– Il rejoint ensuite l’opérateur SFR à Paris en tant que responsable du département d’ingénierie pendant deux ans, avant de passer au groupe Altran en 1999.
– Il y occupe différentes fonctions durant les années 2000, tant en Belgique qu’à l’étranger (Maastricht et Chicago), avant de devenir CEO de la filiale Altran Benelux de 2013 à 2016.
– En octobre 2016, il est nommé CEO du groupe liégeois NRB, un acteur de premier plan dans le secteur ICT en Belgique. L’entreprise compte environ 2.000 collaborateurs avec un chiffre d’affaires qui était de 330 millions d’euros en 2018.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici