Eddy Caekelberghs

Les populismes n’ont que des réponses simplistes aux réalités complexes de l’économie

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Lula l’a emporté, mais de peu. Boris Johnson n’est pas revenu, mais de peu. Les Danois ont élu le bloc des gauches, mais de peu. Donald Trump ne fut pas réélu, mais ses partisans vont gagner les mid-terms et, en Italie comme en Israël, les populistes – alliés à leur extrême droite – l’emportent. Et pourtant, les populismes n’ont que des réponses simplistes aux réalités complexes de l’économie!

Il faut alors choisir: crâner ou gouverner? Madame Meloni, en Italie, installe un gouvernement de chevronnés, y compris issus du centre-gauche. Gouverner, c’est choisir, et choisir, c’est souvent abandonner ses promesses irréalistes. Et cela vaut pour les démocrates aussi! Nos démocraties sont fragiles. D’ailleurs, les reculs ou défaites électorales des populistes au Brésil avec Bolsonaro, aux Etats-Unis avec Trump, en Grande-Bretagne avec Johnson et Truss ne sont pas des reculs spectaculaires, loin de là! C’est de l’ordre de la marge d’erreur… ou de la fraude, diront certains. Ces “faibles” défaites constituent même (comme en France) un profond rappel lancé aux démocraties: il existe dans chaque grande démocratie un poids du populisme qu’il faut savoir mesurer à sa juste mesure. Et pourtant…

Combien plus lisible est la politique quand elle invite chacune et chacun, selon ses moyens réels, à contribuer au bien commun.

A chaque étape, les populistes l’ont emporté, non pour la qualité de leurs analyses et de leurs politiques, mais par l’absence de réponse réaliste, courageuse et structurelle des démocrates (de gauche et de droite) pour affronter les cancers qui nous minent: la glissade irréductible des classes moyennes vers le seuil de pauvreté et le développement de la précarité, voire de l’extrême pauvreté. Avoir des travailleurs pauvres devrait pourtant nous alerter sur la rupture du contrat social né de l’après-guerre, non? Et pourtant…

Partout, en Amérique comme en Europe, les pauvres sont de plus en plus nombreux et les riches de plus en plus riches. Les gouvernements libéraux ou sociaux-démocrates n’ont pas su réguler ni garantir une croissance adaptée aux défis sociaux et environnementaux. La mondialisation a depuis la fin du 20e siècle dépouillé les grands pays occidentaux de leurs structures industrielles et, sans réponses régulatoires, on a abandonné des milliers d’électrices et électeurs sans travail, sans formation, sans perspective. Le Brexit a été voté pour ça. Donald Trump a été élu par les millions de victimes des subprimes qui ont perdu leur maison, leur job et souvent leur famille. Le populisme, c’est la révolte des laissés pour compte! Et pourtant …

Si l’on considère l’histoire récente du Royaume-Uni, les promesses démagogiques des populistes au sein des Tories ont même amené le 10 Downing Street à tenter de privilégier les plus riches en cherchant à les exonérer de contributions. Ah, ce mot – “contributions” – comme il serait préférable de lui redonner sa juste place face à “tabelle, impôt ou taxe”. Combien plus lisible est la politique quand elle invite chacune et chacun, selon ses moyens réels, à contribuer au bien commun. Ces fameux “communs” qu’il vaudra mieux (re)valoriser.

Bien sûr, la mondialisation ne prend pas fin ces jours-ci mais l’industrie va forcément (c’est en cours) se relocaliser près des centres de consommation. La lutte contre le réchauffement climatique va s’imposer. Mais aussi, la lutte pour le climat va mécaniquement accroître les inégalités et les difficultés, du moins à court terme. Les démocrates doivent donc en finir avec leurs gémissements cyniques et agir. Avec détermination et fermeté. Mais sans être naïfs ni crédules: l’espace des démocraties est très fragile. Réinvestissons-le donc, fermement!

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