Les points-clés du discours de Juncker sur l’état de l’UE

Jean-Claude Juncker © Reuters

Super-ministre européen des finances, politique commerciale conquérante, fermeté face à la Turquie: le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a livré mercredi ses priorités d’actions, à deux ans de la fin de son mandat.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a dévoilé mercredi à Strasbourg un programme ambitieux et sa vision de l’avenir d’une Union qui a “de nouveau le vent en poupe”.

Le patron de l’exécutif européen a voulu laisser derrière la “crise existentielle” de l’Union européenne qu’il évoquait un an plus tôt, dans le sillage des crises économiques et migratoires, du référendum sur le Brexit et de la montée de l’euroscepticisme.

“L’Europe a de nouveau le vent en poupe. Nous avons désormais une fenêtre d’opportunité mais celle-ci ne restera pas éternellement ouverte”, a lancé le Luxembourgeois en introduction de son discours annuel. De fait, la croissance s’installe dans les 28 pays de l’UE, le chômage recule, les flux migratoires paraissent maîtrisés.

Malgré trois premières années de mandat marquées par de la “gestion de crise”, la Commission a déjà présenté “80% des propositions promises en début de mandat”, a revendiqué M. Juncker. Il lui reste maintenant 16 mois pour compléter son projet, puisque son mandat s’achève à l’automne 2019, après les prochaines élections européennes.

Voici les principaux points de son intervention “sur l’état de l’Union européenne”, parsemée de métaphores maritimes sur les “vents favorables” dont doit profiter l’Europe pour avancer.

Super ministre

“Il nous faut un ministre européen de l’Economie et des finances, qui encourage et accompagne les réformes structurelles dans nos États membres”, a dit M. Juncker.

“Je ne voudrais pas que l’on crée un nouveau poste, je demande pour des raisons d’efficacité que le commissaire (européen) chargé de l’Economie et des Finances devienne ce ministre –idéalement vice-président de la Commission européenne– et soit également le président de l’Eurogroupe” –qui regroupe les ministres des Finances des 19 pays ayant adopté la monnaie unique–, a-t-il ajouté.

“Ce ministre européen de l’Economie et des Finances devrait coordonner l’ensemble des instruments financiers de l’UE lorsqu’un État membre entre en récession ou est frappé par une crise menaçant son économie”, a-t-il continué.

La chancelière allemande Angela Merkel, qui devrait, selon tous les sondages, être reconduite dans ses fonctions après les législatives du 24 septembre, n’a pas manifesté son opposition à la création d’un super ministre européen des Finances. L’Allemagne a toutefois rappelé à plusieurs reprises l’importance du respect par tous les Etats membres des règles budgétaires dans ce cadre.

“Ce ministre européen de l’Economie et des Finances sera bien évidemment responsable devant ce Parlement européen”, a ajouté M. Juncker, rejetant en revanche l’idée d’un parlement spécifique de la zone euro, caressée par M. Macron. “Je n’ai pas de sympathie pour l’idée d’un Parlement spécifique de la zone euro.”

M. Juncker s’est dit également favorable à la création d’un Fonds monétaire européen, qui serait issu d’une réforme du Mécanisme européen de stabilité actuel. Le MES a été créé pour répondre aux crises financières dans la zone euro, comme dans le cas de la Grèce. La France et l’Allemagne sont favorables à cette réforme. “La Commission fera des propositions concrètes en ce sens en décembre”, a dit M. Juncker.

Commerce international

“Depuis l’an dernier, j’observe que nos partenaires du monde entier se pressent à notre porte pour conclure des accords commerciaux avec nous”, s’est réjoui le président de l’exécutif européen, mais “il faudra que nous obtenions autant que ce que nous donnons”.

M. Juncker veut ouvrir des négociations commerciales avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande qu’il souhaite conclure avant la fin de son mandat en 2019.

Après les polémiques qui ont entouré les précédentes tractations, la Commission publiera à l’avenir “l’intégralité des projets de mandat de négociation qu’elle présentera au Conseil”.

“Les citoyens ont le droit de savoir, fini le manque de transparence, fini les rumeurs et les procès d’intention dont la Commission ne cesse de faire l’objet, a-t-il conclu.

Investissements étrangers

M. Juncker a aussi annoncé un “cadre” européen sur le contrôle des investissements étrangers dans l’UE pour protéger les secteurs stratégiques, qui répond principalement aux inquiétudes sur les acquisitions chinoises en Europe.

“Nous proposons aujourd’hui un nouveau cadre de l’UE sur l’examen des investissements, +investment screening+ en franglais. Si une entreprise publique étrangère veut acquérir un port européen stratégique, une partie de notre infrastructure énergétique (…) ou une de nos sociétés dans le domaine des technologies de défense, cela ne peut se faire que dans la transparence à travers un examen approfondi et un débat”, a plaidé M. Juncker.

“Il est de notre responsabilité politique de savoir ce qui se passe chez nous afin d’être en mesure, si besoin en était, de protéger notre sécurité collective”, a-t-il ajouté devant les eurodéputés.

La possibilité de laisser plus de pouvoir à Bruxelles dans le contrôle des investissements stratégiques est soutenue par la France, l’Allemagne et l’Italie, qui ont à plusieurs reprises demandé à la Commission d’énoncer des propositions en la matière, notamment lors du dernier sommet européen fin juin.

Cette idée n’avait cependant pas fait l’unanimité parmi les Etats membres. Certains pays du sud, comme le Portugal, la Grèce et l’Espagne, ont besoin d’argent pour “sortir la tête de l’eau” et craignent qu’une telle mesure n’entrave les investissements étrangers chez eux.

D’autres Etats membres, comme les pays nordiques, sont également réticents car ils sont attachés à l’ouverture des marchés.

Cette proposition cible tout particulièrement les investisseurs chinois, dont l’appétit pour les entreprises industrielles de pointe européennes a beaucoup inquiété ces dernières années. Par leurs prises de contrôle, les firmes chinoises, parfois publiques, sont accusées de s’offrir à moindre coût et de manière déloyale une expertise et des technologies clés.

Travailleurs détachés

La Commission propose la création d’une “autorité commune” contrôlant la mise en oeuvre “partout” dans l’UE des dispositions encadrant le recours aux travailleurs détachés, aujourd’hui accusées de favoriser le dumping social.

“Dans une Union entre égaux, il ne peut y avoir (…) de travailleurs de deuxième classe. Ceux qui effectuent le même travail au même endroit doivent pouvoir obtenir le même salaire”, a encore lancé M. Juncker. “La Commission a fait dans ce sens des propositions sur le détachement des travailleurs. Nous devons veiller à ce que les dispositions de l’Union concernant la mobilité des travailleurs soient justes, efficaces et imposées partout, avec le soutien d’une nouvelle autorité européenne de contrôle et d’exécution de ces mesures”, a-t-il plaidé.

“Il est absurde qu’il y ait une autorité bancaire qui veille à ce que les normes bancaires soient respectées (dans l’UE), mais qu’il n’y ait pas d’autorité commune du marché de l’emploi assurant la justice sur le marché intérieur. Nous la créerons”, a martelé M. Juncker.

Dans son discours, le président de l’exécutif européen n’a jamais nommé la Pologne, notoirement opposée à une réforme de ce statut fréquent dans le secteur du transport routier et la construction, en raison du grand nombre de Polonais concernés.

Cybersécurité et terrorisme

“Les cyberattaques sont parfois plus dangereuses pour la stabilité des démocraties et des économies que les fusils et les chars”, a mis en garde M. Juncker, qui propose la création d’une “Agence européenne de cybersécurité, pour mieux nous défendre contre ces attaques”.

Pour renforcer la lutte anti-terroriste, la Commission suggère la création “d’une cellule européenne de renseignement chargée de veiller à ce que les données relatives aux terroristes et aux combattants étrangers soient automatiquement échangées entre les services de renseignement et la police”.

M. Juncker veut par ailleurs que le futur parquet européen, spécialisé dans la lutte contre les fraudes au budget européen, soit aussi chargé “de poursuivre les auteurs d’infractions terroristes transfrontalières”.

Turquie

“J’adresse aujourd’hui un appel aux responsables en Turquie, libérez nos journalistes et pas seulement les nôtres, cessez d’insulter nos Etats membres, nos chefs d’Etat et de gouvernement en les traitant de fascistes et de nazis”, a asséné M. Juncker.

Il a exclu “une adhésion de la Turquie à l’UE dans un avenir proche”, mais n’a toutefois pas plaidé pour une rupture des négociations d’adhésion, telle que demandée récemment par la chancelière allemande Angela Merkel.

Migration

M. Juncker a indiqué que la Commission présenterait “avant la fin du mois” des “propositions centrées sur les retours (les renvois de migrants irréguliers, ndlr), la solidarité avec l’Afrique et l’ouverture de voies de migration légales”, notamment par des réinstallations de réfugiés depuis l’Afrique.

“Nous devons aussi et de toute urgence améliorer les conditions de vie des réfugiés en Libye”, a prôné le chef de l’exécutif européen. “Je suis atterré par les conditions inhumaines qui prévalent dans les centres de rétention ou d’accueil”, a-t-il ajouté, estimant que “l’Europe a une responsabilité collective” à ce sujet.

Le chef de l’exécutif a par ailleurs rendu un hommage appuyé à l’Italie “qui sauve l’honneur de l’Europe en Méditerranée”.

Espace Schengen

“Si nous voulons renforcer la protection de nos frontières extérieures, nous devons laisser la Bulgarie et la Roumanie rejoindre immédiatement l’espace Schengen” de libre-circulation, a dit le président de la Commission, plaidant aussi pour que la Croatie en devienne “un membre à part entière, une fois qu’elle en remplira tous les critères”.

Super président

Sur le plan institutionnel, M. Juncker a proposé de fusionner à l’avenir son poste avec celui de Donald Tusk, président du Conseil européen, dont le rôle est de regrouper les 28 chefs d’Etat de l’Union européenne.

“Tragique” Brexit

M. Juncker n’a que brièvement évoqué le Brexit, qualifié de “triste et tragique”.

“Le 30 mars 2019, nous serons une Union à 27, je propose que nous nous y préparions bien”, a-t-il rappelé, proposant d’organiser “un sommet spécial en Roumanie, le 30 mars 2019”, afin “de prendre les décisions nécessaires à la construction d’une Europe plus unie, plus forte et plus démocratique”.

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