Les pleins pouvoirs aux voix de préférence: la bonne idée ?

. © LAURIE DIEFFEMBACQ/Belgaimage

Le MR et le cdH veulent que les élus soient désignés uniquement en fonction des voix de préférence. Une révolution ? 90% des députés francophones sont déjà élus grâce à leurs voix de préférence…

Quelques chiffres valent mieux que de longs discours : sur les 63 députés francophones à la Chambre, seuls six doivent leur siège à leur place sur la liste électorale et ont évincé un candidat de leur parti ayant recueilli plus de voix de préférence. Les proportions sont similaires dans les parlements bruxellois (7 députés sur 72) et wallon (8 sur 75) et plus faibles encore pour ce qui concerne les élections locales.

Supprimer l’effet dévolutif de la case de tête, comme le veulent le MR et le cdH, ne changerait donc pas grand-chose à la composition des assemblées. Mais, symboliquement, cela peut contribuer à marquer la prééminence des choix des électeurs sur les stratégies des partis. D’où le souhait du MR et du cdH d’avancer en ce sens. Les autres partis rétorquent que les voix de préférence favorisent les personnalités les plus connues (candidats sortants, fils et fils de, candidats issus du monde du spectacle ou des médias), lesquelles ne sont pas forcément les plus compétentes, ni d’ailleurs les plus intègres ou les moins cumulardes. Bref, cela n’aiderait pas forcément au renouvellement attendu.

Sans l’effet dévolutif (mais en gardant les suppléants), quels changements aurions-nous vus dans les assemblées élues en 2014 ? Isabelle Galant (oui, la soeur de l’ancienne ministre) aurait siégé à la place de Richard Miller ; François-Xavier de Donnea à la place de Sophie Wilmès (serait-elle alors devenue ministre et en lice pour une présidence éventuelle du MR ?) ; Jean-Denis Lejeune à la place de Vanessa Matz ; Nicolas Janssen à la place de Jean-Paul Wahl (chef de groupe MR au Parlement wallon) ; l’ancien footballeur Benoît Thans à la place de Virginie Defrang-Firket ; Thibaud Wyngaard à la place d’Alain Maron (le député Ecolo bruxellois à l’origine des révélations sur le fonctionnement du Samusocial). Pas sûr que tout cela aurait rendu notre démocratie plus vivace…

Il est temps de faire ici un bref rappel technique sur ce fameux effet dévolutif: sur votre bulletin de vote, vous pouvez voter en case de tête ou accorder une voix de préférence à un ou plusieurs candidats d’une même liste (vous pouvez même voter et en case de tête et en voix de préférence). Pour être élu, un candidat doit atteindre un seuil d’éligibilité, défini selon les résultats électoraux. Pour atteindre ce seuil, le candidat peut ajouter à ses voix de préférence des votes venant du “pot” des votes en case de tête. Les candidats puisent dans le pot dans l’ordre de présentation de la liste (le1er, puis le 2e, le 3e, etc.) et quand le pot est vide, seules les voix de préférence comptent pour désigner les élus suivants.

Cet effet dévolutif a déjà été supprimé pour les élections locales en Wallonie. Le 14 octobre prochain, les conseillers communaux et provinciaux wallons seront désignés uniquement en fonction de leurs voix de préférence. Seuls les plus populaires siégeront. Le MR et le cdH souhaiteraient étendre ce système aux élections régionales et de gommer en même temps le système des suppléants (en cas de démission ou d’empêchement, le suivant dans l’ordre d’élection siégerait, comme c’est déjà le cas aux Communales). Cela nécessite un vote à la majorité des deux tiers, ce qui implique mathématiquement l’appui du PS. Ce dernier est prêt à suivre, à condition de renforcer aussi le décumul des rémunérations et les exigences de parité hommes/femmes. À ce stade, aucun accord ne semblait se dégager sur ces points au Parlement wallon.

À Bruxelles, le MR et le cdH auraient aussi voulu supprimer l’effet dévolutif mais leur texte a été recalé par PS, Défi et Ecolo. Le vote a cependant acté la suppression des suppléants pour les élections régionales bruxelloises.

Les suppléances et l’effet dévolutif sont des outils permettant aux partis (qu’on les aime ou pas, les partis sont des acteurs essentiels de la démocratie) de faciliter l’accès de certaines personnes à un mandat parlementaire. Cela a permis à des techniciens peu connus -par exemple Ahmed Laaouej, auparavant expert fiscalité à l’Institut Émile Vandervelde- de rejoindre l’assemblée et de s’y faire un nom. Mais, convenons-en, les partis n’ont pas toujours utilisé ces outils pour aider les personnalités les plus compétentes.

Même après la suppression de l’effet dévolutif et des suppléances, les partis conserveraient un double levier s’ils veulent promouvoir des candidats peu connus. D’une part, ils définissent l’ordre de présentation sur la liste, les premières et dernières places restant les plus visibles et donc les plus susceptibles d’attirer les voix. D’autre part, ils peuvent soutenir financièrementet médiatement certains candidats plus que d’autres et faciliter ainsi des campagnes personnelles ciblées.

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