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Les nouvelles féodalités

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

On crée toujours de nouvelles institutions mais on se révèle incapable de supprimer celles qui sont devenues dépourvues d’utilité ou n’ont jamais servi à rien.

Nos politiques se targuent souvent d’une modernité que l’on peine à trouver dans leurs actes. Ceux-ci paraissent plutôt, dans certains domaines, impliquer un retour au passé, y compris dans ce que nous y trouvons en général de plus sombre, comme le système féodal. Celui-ci se caractérisait par une multiplicité de niveaux de pouvoir dépendants les uns des autres par des liens de souverain à vassal.

Ces quantités de niveaux de pouvoir, nous les retrouvons dans la Belgique d’aujourd’hui. Un bon exemple est sans doute la récente décision du gouvernement flamand de diviser son territoire en 17 “régions”, regroupant chacune un certain nombre de communes.

L’objectif, présenté sans rire, est la “simplification” des structures. Les communes sont invitées à mettre fin à leurs organes de collaboration, dont des intercommunales, dépassant les limites des nouvelles régions. En clair, on veut en arriver à un remplacement d’intercommunales rendant quelques services publics par de nouvelles régions, des collectivités territoriales, d’ordre politique.

On trouvera ainsi en Flandre un système où le pauvre individu sera désormais soumis à toutes et à chacune des autorités suivantes: l’Union européenne bien sûr, l’Etat belge pour ce qu’il en reste, la Région flamande (qui, au moins, coïncide en Flandre avec sa Communauté), les provinces, les “régions” nouvellement créées et les communes. Sans compter les districts dans des villes comme Anvers. Toutes ces collectivités publiques auront une tranche de pouvoir à exercer sur le citoyen et percevront, directement ou indirectement, des impôts à charge de celui-ci. C’est la féodalité mais en pire parce qu’en principe, les serfs ne devaient la dîme qu’à leur seigneur, et non aux suzerains de celui-ci.

On crée toujours de nouvelles institutions mais on se révèle incapable de supprimer celles qui sont devenues dépourvues d’utilité ou n’ont jamais servi à rien.

Il est sidérant quel’on n’ait même pas profité de la nouvelle réforme flamande pour supprimer les provinces, dont l’inutilité était déjà évidente mais qui seront encore bien davantage inutiles après cette réforme. Pourquoi, par exemple, maintenir une province de Brabant flamand alors qu’il y aura déjà “Halle-Vilvoorde” et “Oost Brabant”? Il faut, certes, changer la Constitution pour supprimer la province en tant que telle, mais pas pour la désactiver en lui ôtant ses compétences…

Ce que révèle en réalité cette inflation des niveaux de pouvoir, c’est la volonté des pouvoirs publics de s’arroger, comme toujours, de plus en plus d’importance dans la vie des gens. Si l’on trouve nécessaire de créer toute ces entités, c’est parce que, année après année, l’Etat et les autres collectivités publiques interviennent dans un nombre de domaines de plus en plus important. Accessoirement, plus on crée d’organismes, plus ceux-ci ont des tendances à s’approprier un domaine encore plus vaste. Et bien sûr, on crée toujours de nouvelles institutions mais on se révèle incapable de supprimer celles qui sont devenues dépourvues d’utilité ou n’ont jamais servi à rien.

L’individu, lui, outre un statut d’électeur auquel il attache de moins en moins d’importance, est réduit au rôle de sujet. Sujet de ces entités qui créent de plus en plus de bureaux, engagent de plus en plus de fonctionnaires et s’occupent des moindres détails de sa vie.

La vraie réforme, celle qu’aucun politicien n’entreprendra, c’est de rendre les individus plus libres et plus responsables de leur destin, de le débarrasser d’autorités multiples qui l’accablent dans toute son existence.

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