Les lourdes conséquences d’un “Brexit dur”

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La perspective d’un “Brexit dur” dessinée par la Première ministre britannique aurait des conséquences majeures pour l’économie du Royaume-Uni, qui sortirait abruptement du marché unique et se priverait d’un large pan de main d’oeuvre immigrée.

Le “Brexit dur”, c’est quoi ?

Le terme fait florès depuis quelques semaines au Royaume-Uni et recouvre une négociation a minima entre Londres et Bruxelles pour fixer les termes d’un divorce brutal.

Le Royaume-Uni quitterait le marché unique européen, ce qui entraînerait l’érection de barrières au commerce des biens et des services entre le Royaume-Uni et les 27 pays restant dans l’Union européenne. Le pays devrait aussi renégocier des traités avec des dizaines de nations liées à l’UE par un accord commercial.

En cas de Brexit dur, Londres reprendrait aussi fermement en main le contrôle des flux migratoires, actuellement sans entraves avec le reste de l’UE. Plus de 3 millions de ressortissants des 27 autres pays de l’UE vivaient dans le pays en 2015, dont plus de 900.000 Polonais: leur présence augmente régulièrement ces dernières années, au grand dam des forces populistes qui ont placé avec succès cet enjeu au coeur du Brexit.

Le concept de Brexit dur s’oppose au concept de “Brexit allégé” qui verrait le pays tenter de s’entendre avec l’UE pour conserver une forme d’appartenance au marché unique européen tout en sortant de l’Union. Pour ce faire, Londres serait obligé de faire des concessions à Bruxelles sur la libre circulation des travailleurs, ce que la Première ministre a écarté.

Pourquoi le marché réagit-il aussi violemment à la perspective d’un Brexit dur ?

Véritable baromère de l’humeur du marché depuis le référendum de fin juin, la livre britannique a plongé depuis lundi après la première intervention de Theresa May au congrès conservateur. La devise a dégringolé à son plus bas niveau en 31 ans face au dollar et en cinq ans face à l’euro.

Les investisseurs tablent sur le fait que le Royaume-Uni sera moins intéressant pour leurs affaires si les considérations politiques l’emportent largement sur les intérêts des entreprises – qui préfèrent un commerce sans entrave et un accès à une large et diverse main d’oeuvre immigrée.

Le marché se dit également qu’en cas de Brexit dur, la Banque d’Angleterre devrait assouplir encore sa politique monétaire pour encourager une économie qui pourrait se gripper face aux chocs à venir. Une telle option risque d’affaiblir la devise britannique et nombre de cambistes ont pris les devants en la vendant massivement.

La perspective d’un “Brexit dur” fait en revanche le bonheur de la Bourse de Londres qui est tout près de son plus haut niveau historique. Au-delà de la relative bonne tenue de l’économie du Royaume-Uni jusqu’à présent, la baisse de la livre constitue une bouffée d’air frais pour les multinationales britanniques actives à l’étranger.

Quelles conséquences économiques peut-on attendre ?

Pour nombre d’économistes, les effets négatifs anticipés de la sortie seront renforcés, avec un ralentissement plus marqué de la croissance, une montée du chômage et une perte de pouvoir d’achat des consommateurs dans les années à venir.

Parmi la pléthore d’études publiées sur le Brexit, peu sont entrées dans le détail d’un Brexit dur. Dans ses dernières prévisions publiées mardi, le Fonds monétaire international (FMI) a prévenu ainsi qu’il se fondait sur l’hypothèse de négociations fluides et d’une hausse limitée des barrières économiques.

Il apparaît donc incertain de se fier aux diverses prévisions, d’autant que la plupart des spécialistes se sont trompés en prévoyant une chute en récession du Royaume-Uni au second semestre… alors que le pays pourrait connaître en 2016 le plus fort taux de croissance des pays du G7 d’après le FMI.

Les partisans les plus virulents du Brexit arguent qu’une fois le cordon coupé, le Royaume-Uni sera libre de négocier à son aise des accords commerciaux avec les grandes puissances émergentes, promesse de prospérité future.

Mais les milieux d’affaires britanniques et notamment le puissant secteur financier sont inquiets à l’idée de perdre leur accès libre au marché unique. En retenant le scénario d’un accès réduit à l’UE, le cabinet Oliver Wyman estime que le City de Londres pourrait perdre entre 32 et 38 milliards de livres de chiffres d’affaires et de 65.000 à 75.000 emplois.

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