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Les Etats “stratèges” face aux prix de l’énergie

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Réduire les taxes, ce serait les alléger pour tout le monde, et un politicien retire en général assez peu de gratitude (électorale) des bénéficiaires.

Partout dans les milieux gouvernementaux européens, c’est la panique face à l’évolution des prix de l’énergie. Ceux-ci ont grimpé de façon spectaculaire et deviennent difficiles à supporter pour les ménages modestes. Il faut pourtant rappeler qu’à son niveau actuel, le cours du pétrole est comparable à celui d’octobre 2018, et très inférieur à celui de la période 2012-2014.

Le gaz augmente de façon toute aussi spectaculaire et à des niveaux très élevés, toutefois pas si loin de ceux qu’il a connus à certaines époques. Mais ce qui rend la facture très lourde pour les consommateurs, c’est le fait que les prix de l’énergie sont aujourd’hui composés pour une part très importante de multiples taxes de toutes sortes.

L’attitude des gouvernements français et belge face à cette augmentation des prix est, pour des raisons différentes, fort inquiétante. Le gouvernement français ne peut se résoudre à réduire les taxes qu’il perçoit, et qui font qu’à chaque augmentation des cours, l’Etat français, tout comme l’Etat belge d’ailleurs, en profite pour augmenter ses recettes. La TVA étant proportionnelle au prix, les Etats sont parmi les plus importants bénéficiaires de l’évolution actuelle.

La France annonceen revanche que pour protéger les consommateurs pauvres, elle va distribuer un “chèque” de 100 euros à chaque contribuable ayant de faibles revenus. Voilà donc une riche idée: pour payer des prix de l’énergie, qui comportent une part énorme de taxes, l’Etat français fait appel à ses recettes, qui proviennent des impôts, pour faire des cadeaux à certains consommateurs. Ce cadeau, le chèque de 100 euros, permettra à ceux-ci d’acheter de l’énergie, et donc de payer à leur tour… des taxes.

Ce serait sans doute plus simple de réduire les taxes pour alléger le sort des consommateurs puisque ce sont précisément ces taxes qui rendent l’énergie plus coûteuse qu’auparavant. Mais ce serait là oublier la soif de pouvoir des gouvernants. Maintenir les taxes, c’est, pour les ministres français, conserver un pouvoir de dépenser de l’argent, ce qui est essentiel à tout gouvernement. Et distribuer des chèques, c’est se donner l’image du père Noël qui sauve les pauvres consommateurs, bien sûr avec l’argent des autres.

Réduire les taxes, ce serait les alléger pour tout le monde, et un politicien retire en général assez peu de gratitude (électorale) des bénéficiaires. En revanche, distribuer des chèques, c’est le plus souvent très rentable en nombre de voies achetées.

Quant à la Belgique,elle n’a pu se résoudre ni à faire des cadeaux, ni à réduire les impôts. Dans son budget, elle se réserve toutefois une petite possibilité d’avoir une influence sans doute légère sur les prix, en réduisant une partie de la TVA (proportionnelle au prix), pour la transformer en droits d’accise (proportionnels aux quantités, et donc moins sensibles au prix). Ce ne fera quand même pas oublier que la TVA est calculée sur le prix, en ce compris les accises, ce qui revient à une double taxation…

Et puis surtout, la Belgique s’obstine, à cause de la composante verte du gouvernement, à vouloir fermer ses centrales nucléaires, qui émettent peu de CO2 et ne sont pas sensibles au prix du gaz, pour ouvrir des nouvelles centrales… au gaz, avec comme double effet d’augmenter à la fois les émissions de CO2 et le prix au détail pour le consommateur.

Un conseil: n’écoutez jamais ceux qui disent qu’il nous faut des Etats stratèges. Ceux-ci sont incapables de toute stratégie, et la feront toujours passer après les conceptions idéologiques, et surtout les misérables tactiques à but électoral.

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