Les 3 questions posées par la démission de Jean-Luc Crucke

Jean-Luc Crucke.
Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Le ministre wallon du budget a annoncé sa démission ce lundi. Il rejoindra prochainement la Cour Constitutionnelle. Le départ de ce personnage politique atypique risque de secouer durablement le fonctionnement du gouvernement wallon.

Si un ministre se sentait dans son élément au milieu de ces coalitions hétéroclites qui dirigent la Belgique et ses entités fédérées, c’est bien lui. Jean-Luc Crucke a pourtant annoncé ce lundi qu’il quittait la vie politique pour rejoindre la Cour Constitutionnelle. Le ministre wallon du budget ne mènera donc pas à son terme l’implémentation du Budget base zéro, le dossier qui servait de boussole à son mandat et devrait conduire à une plus grande efficacité dans les dépenses de la Wallonie.

1. Pourquoi Jean-Luc Crucke démissionne-t-il ?

“Mes convictions libérales ne sont plus en pleine adéquation avec la ligne de mon parti”, a résumé le ministre démissionnaire. Depuis plusieurs années, Jean-Luc Crucke tentait de creuser un sillon plus “écologiste” au sein du MR, en mettant en avant l’urgente nécessité de répondre au défi climatique. Ce positionnement provoquait parfois des étincelles à l’avenue de la Toison d’or mais il n’a jamais fait vaciller le parti.

Ce fut différent à la fin de l’année dernière quand la discussion est venue sur la fiscalité, le core-business du MR. Jean-Luc Crucke a présenté un projet de décret sur “l’impôt juste”, visant à empêcher une série de dispositifs permettant de réduire la taxation mais qui, selon lui, étaient contraire à l’esprit des règles fiscales. Son parti, tout comme d’ailleurs l’opposition cdH, y a vu une attaque en règle contre la classe moyenne. Lui, comme les experts académiques qui l’ont conseillé, y voit au contraire un outil pour une plus grande équité fiscale. “Il est sain pour l’égalité fiscale que tous nos concitoyens respectent la volonté du législateur”, a-t-il maintenu lors de sa déclaration de démission.

Son texte avait finalement été adopté moyennant des concessions mineures. Mais Jean-Luc Crucke en est sorti amer, convaincu que ses futures initiatives crisperaient chaque fois son pari et “par ricochet” le gouvernement. Durant les fêtes de fin d’année, il a pesé le pour et le contre, pour conclure qu’il était sans doute plus sage de démissionner. Et même de quitter une vie politique avec laquelle il était de moins en moins en phase, lui qui a toujours préféré jeter des ponts entre les partis plutôt que de rechercher la petite phrase la plus clivante possible.

2. Sa démission affaiblit-elle le gouvernement wallon ?

Jean-Luc Crucke était le parfait trait d’union entre les socialistes, les écologistes et les libéraux. Son départ risque dès lors de marquer plus nettement la fracture gauche-droite au sein de la coalition régionale. Par exemple au moment de matérialiser l’effort budgétaire annuel de 150 millions d’euros que le gouvernement s’est engagé à réaliser. Les trois partenaires ont sans doute des visions très différentes de la manière de retrouver une telle somme. Avoir à bord une personnalité expérimentée et qui comprend bien les attentes de chacun aide alors grandement à trouver les compromis. Là, on risque au contraire d’avoir un mandataire à qui on aura rappelé avec insistance que son prédécesseur prenait un peu trop de latitude avec les priorités du MR…

Le nom du nouveau ministre devrait être connu ce mardi matin. Il ou elle devrait officier avec l’essentiel du personnel du cabinet de Jean-Luc Crucke, afin de garantir une continuité des opérations. “Il faut un sacré caractère pour tenir la “maison” Wallonie car être ministre du Budget, c’est aussi être l’empêcheur de tourner en rond”, a déclaré ce lundi le ministre sortant.

3. Jean-Luc Crucke reste-t-il au MR ?

C’est l’ambiguïté de la séquence : le ministre n’est plus en phase avec la ligne du MR mais il représentera néanmoins ce parti au sein de la Cour constitutionnelle, en reprenant dans quelques mois le mandat du montois Jean-Paul Moerman. Lors de sa conférence de presse de démission, il était aux côtés de son président Georges-Louis Bouchez. Les deux hommes ont insisté sur le fait que les divergences sur une série de textes n’ont jamais empêché “les contacts respectueux, voire chaleureux” entre eux. “On peut avoir des différences de fond et apprécier de travailler ensemble”, a résumé le président du MR. “Je suis profondément libéral et je tiens à certaines valeurs qui font mon ADN”, insiste de son côté Jean-Luc Crucke.

Si l’élu de Frasnes-lez-Anvaing créait pas mal de remous au sein de la famille libérale, il était aussi l’un des gros pourvoyeurs de voix. Lors du scrutin de 2019, dans son arrondissement de Wallonie picarde, il fut le seul à pouvoir rivaliser à Rudy Demotte, alors ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Jean-Luc Crucke affichait 18.000 voix au compteur contre à peine 5.000 au deuxième de la liste libérale… Le MR a trois ans pour trouver les personnalités à même de combler une partie de cet écart. Jean-Luc Crucke est également l’un des rares ministres MR à être parfaitement bilingues et à pouvoir donc expliquer les positions du parti dans les médias du nord du pays. Ça aussi, il faudra le remplacer.

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