Les 10 travaux de Di Rupo: le marché du travail (5/10)

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Le marché du travail belge laisse à désirer en matière de création de nouveaux jobs. Pour y remédier, il faut s’attaquer à certaines institutions bien ancrées dans le paysage politique.

Depuis plusieurs décennies, les gouvernements successifs font de la création de nouveaux jobs l’un des objectifs principaux de leur politique. Le degré de chômage officiel a progressivement dégénéré en instrument de mesure très imparfait de la réussite de cette politique. En effet, la Belgique est très créative dans l’invention de toutes sortes de statuts spéciaux qui mènent systématiquement à la dissimulation de la véritable ampleur du problème de chômage. Outre le chiffre officiel de 610.893 demandeurs d’emploi inoccupés, il existe de nombreuses autres formes de chômage caché. Voici les chiffres :

Toutes les catégories de chômeurs
Chômage officiel 610.893

Chômage caché Chômeurs âgés 76.242
Chômage avec complément d’entreprise (*) 107.039
Chômage pour difficultés sociales et familiales 7871
Prépension à mi-temps 513
Inapte au travail 269.499
Pension anticipée employés 133.547
Pension anticipée fonctionnaires 57.471
Interruption de carrière à temps plein 5.313
Crédit-temps à temps plein 6.043
Chômage temporaire 260.217

TOTAL: 1.534.648

(*) anciennement préretraite

Source: ONEM/INAMI


À la recherche de 400.000 jobs supplémentaires

Vu la complexité des statistiques, il vaut beaucoup mieux évaluer la politique de l’emploi sur base de l’évolution du degré d’emploi qui mesure le pourcentage de la population active effectivement au travail.

Dans ce domaine, la Belgique n’atteint pas la moyenne européenne et se situe encore loin des objectifs européens pour 2020. 67 pour cent de la population belge âgée entre 20 et 64 ans travaille alors que la moyenne européenne s’élève à 68,5 pour cent. Pour atteindre les objectifs de l’Europe, il faut créer au moins 400.000 jobs supplémentaires, soit 50.000 par an jusqu’en 2020. Depuis 2008, seulement 34.000 emplois se sont ajoutés chaque année alors qu’avant la crise ce chiffre atteignait les 46.000.

Cinq obstacles

Inévitablement, ces chiffres font conclure au dysfonctionnement de notre marché du travail. Le marché belge a besoin de se débarrasser d’un joug aux allures moyenâgeuses. Nous avons sélectionné 5 mécanismes entravant la création d’emplois en Belgique.

– En Belgique, le travail est très lourdement taxé (voir le travail 4). L’imposition très élevée sur le travail freine non seulement la création d’emplois (demande de travail), mais porte également préjudice à la volonté de travailler (offre de travail).

– Une trop grande uniformité dans la détermination des salaires. L’indexation automatique des salaires a trop fortement réduit l’éventail salarial en Belgique. Si la détermination du salaire ne suit pas l’évolution de la productivité, les problèmes en matière de créations de nouveaux jobs et de maintien des emplois existants seront inévitables. Il est fondamentalement contradictoire d’oeuvrer pour plus d’emplois tout en empêchant un élargissement de l’éventail salarial.

– Les indemnités de licenciement trop élevées freinent la motivation des entreprises à embaucher. Elles créent le faux espoir de diminuer le nombre de licenciements. Si une entreprise est obligée d’assainir et de restructurer, il faudra de toute façon qu’elle licencie. Plus ceux-ci sont chers, plus ils hypothèquent la viabilité de la société en restructuration.

– Les salaires minimums légaux compliquent l’accès au travail de personnes faiblement qualifiées. Ils isolent ces personnes au sein du marché du travail et de la société en général. Vu la faible productivité initiale de ces personnes, il faudra qu’elles travaillent pour un salaire ne permettant pas de mener une existence digne. L’état pourra alors créer des mécanismes de compensations diverses afin de leur garantir un revenu acceptable. Entre-temps, ces personnes acquerront de l’expérience et amélioreront leurs perspectives sur le marché du travail.

– Contrairement aux autres pays européens, les allocations de chômage ne sont toujours pas vraiment limitées dans le temps. Même si le gouvernement Di Rupo a intensifié la dégressivité des allocations de chômage en application depuis novembre 2012, la durée illimitée continue à exister puisqu’après quatre ans de chômage, tout chômeur se retrouve avec une indemnité forfaitaire. Depuis janvier 2013, une procédure de contrôle et d’activation permet de suivre les chômeurs jusqu’à 55 ans au lieu de 50 ans. Cependant, l’activation par l’ONEM et les services publics d’emploi est toujours trop technique et trop peu efficace. Ainsi, seuls 7,7 pour cent des demandeurs d’emploi âgés entre 50 et 55 ans se voient proposer une offre d’emploi. En Belgique, 40 pour cent des personnes âgées de plus de 55 ans travaillent. C’est dix points de pourcentage de plus qu’il y a dix ans, mais toujours beaucoup moins qu’aux Pays-Bas (53%) et en Allemagne (57%).

Aujourd’hui le gouvernement Di Rupo se défend en arguant qu’il y a 67.000 Belges de plus au travail qu’avant la crise. Or, il oublie que la migration et la démographie ont fait augmenter la population active. Et surtout : que 60 pour cent des nouveaux jobs depuis 2008 sont en grande partie subsidiés, pensez au système des chèques-services. Ce système ainsi que l’expansion du régime de chômage temporaire ont permis de protéger le marché du travail pendant le crise. Mais celui-ci ne résistera pas éternellement.

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