Rudy Aernoudt

Le virus économique

Il n’y a que deux scénarios possibles: soit on rembourse ses dettes, soit on obtient un report de remboursement. Voilà à quoi se résume le choix économique de la prochaine décennie. Bonne année quand même!

En janvier de l’année dernière, tous les indicateurs économiques étaient au vert. 2020 devait être un grand cru. C’était compter sans cet intrus, mille fois plus petit qu’un grain de sable, qui a fait trembler le monde sur ses bases. On a commencé à prendre conscience que le monde avait changé. Il y a désormais le monde d’avant le corona et celui d’après.

Le système économique a lui aussi souffert. La crise actuelle est en effet sans commune mesure avec les précédentes, ayant ceci d’atypique que le virus affecte le marché aussi bien au niveau de la demande – pouvoir d’achat en baisse, commerces fermés – que de l’offre – chaîne d’approvisionnement interrompue. Ce cocktail détonant a eu pour effet de mettre l’économie en veilleuse. Selon les estimations, elle ne retrouvera son niveau de fin 2019 qu’au milieu de l’année 2022. Autrement dit, une stagnation d’environ 30 mois. La Belgique, quant à elle, devra patienter jusqu’à fin 2022 pour renouer avec ce niveau. Et pèsera alors environ 30 milliards d’euros de moins que le poids escompté dans un contexte normal… Il est à noter, par ailleurs, que les pays enregistrant le plus de décès par nombre d’habitants, comme la Belgique, subissent aussi les plus grosses pertes économiques.

Il n’y a que deux scénarios possibles: soit on rembourse ses dettes, soit on obtient un report de remboursement. Bonne année quand même!

En temps de crise, un gouvernement doit se montrer plus fort que jamais. Il doit agir de façon anticyclique et intervenir. Mais aussi, dans toute la mesure du possible, assurer la sauvegarde du marché. Première mission assez bien remplie. Mais quid de la seconde? C’est une autre leçon à tirer de la crise: le gouvernement doit constituer des réserves quand tout va bien. Ce qu’il n’a pas fait. Fin 2019, les gouvernements cumulaient 70.000 milliards de dollars de dettes publiques, soit 82% du produit intérieur brut (PIB) mondial. Dans sept pays, dont la Belgique, le taux d’endettement dépassait même les 100%. Malgré les empty pockets de nombreux gouvernements, une aide massive s’avérait indispensable pour garder la tête de l’économie mondiale hors de l’eau. McKinsey estime le total de l’aide publique mondiale à 12.000 milliards de dollars, soit 15% du PIB mondial.

Bien obligée elle aussi de mettre la main au portefeuille, l’Europe a débloqué un budget de quelque 1.047 milliards de dollars pour la période 2021-2027. Et ce n’est pas tout. Outre le budget pluriannuel, un plan d’investissement temporaire, baptisé plan de relance, prévoit 750 milliards d’euros supplémentaires. Si on y ajoute le plan de crise de 540 milliards d’euros approuvé pendant la crise, avec en fer de lance le programme SURE ( Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency) destiné à cofinancer le chômage technique, on en arrive au chiffre astronomique de 2.400 milliards d’euros, soit 12% du PIB européen ou six fois le PIB de la Belgique. Le plan Marshall américain, le célèbre plan de reconstruction “gigantesque” d’après-guerre, s’élevait à 12 milliards de dollars en 1946, soit soit l’équivalent de “seulement” 150 milliards de dollars en 2020.

Grâce à ces aides publiques aussi colossales qu’indispensables, l’année économique 2021 s’annonce sous les meilleurs auspices. Une forte croissance à deux chiffres est même envisageable. Il ne faut toutefois pas oublier que même si l’inflation peut légèrement estomper les dettes, même si la croissance économique peut en alléger le pourcentage (par rapport aux réalisations économiques), il n’y a que deux scénarios possibles: soit on rembourse ses dettes, soit on obtient un report de remboursement. Voilà à quoi se résume le choix économique de la prochaine décennie. Bonne année quand même!

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