Bruno Colmant
“Le temps de l’insouciance est révolu, nous serons en guerre”
Depuis la confrontation aux réalités militaires, certains s’évertuent à dissocier les événements. Ils les singularisent et les isolent dans une analyse circonstancielle pour s’épargner de prendre une mesure correcte des phénomènes.
Mais la plupart des hommes ne comprennent qu’à posteriori la signification de l’évolution historique qui les porte. Ils n’ont aucun repère de l’historicité des faits. A juste titre, de Gaulle écrivait que pour assurer la direction de la guerre, il fallait des esprits d’une capacité synthétique absolument exceptionnelle. C’est cela : nous sommes incapables d’opposer aux événements une réponse cohérente parce que la synthèse des menaces n’est pas clairement formulée. D’ailleurs, faute de prendre le recul intellectuel nécessaire, nos communautés démontrent une très faible capacité à se projeter dans le futur.
L’évidence est devant nous, ainsi que d’éminentes personnalités l’ont clairement affirmé : nous serons en guerre. Le temps de l’insouciance est donc révolu. La mèche d’une machine infernale serait-elle allumée ?
La situation est nouvelle. Des forces titanesques sont-elles engagées ? Oui. Sont-ce les premières escarmouches d’une confrontation de modèle de société ? Peut-être encore que je crois toute idéologie subordonnée à des intérêts dictatoriaux. Est-ce un rejet d’un prétendu impérialisme occidental ou de l’économie de marché ? Oui, mais c’est une explication parcellaire et gauchisante. Le danger mute, de manière virale, dans une escalade de l’horreur et du symbole qui culminera à un point non pas de découragement, mais d’exaspération.
Allons-nous laisser la paix à la séquence du hasard ? Non. Car, prenons garde : derrière une capitulation morale, c’est l’Humanisme, la Réforme, les Lumières et la Révolution française qui s’affaissent. C’est un combat d’un demi-millénaire qui serait anéanti. Ce combat, c’est celui de la reconnaissance de la conscience humaine, au-delà de la peur et de la tutelle. Il faut refuser la tétanie face au néant et à l’anéantissement.
C’est aujourd’hui que les hommes qui nous dirigent doivent être audacieux et clairvoyants. Le monde vieillit, “Mundus senescit”, disait saint Augustin. Je fais partie de cette génération qui a connu l’appel sous les drapeaux et a trop écouté l’écho des morts de la dernière guerre pour manquer aujourd’hui de lucidité et d’intuition. Bien conscientisés et préparés, nous serons légitimes pour pacifier nos communautés. Mais nous devrons aussi nous engager individuellement à défendre des valeurs bienveillantes et solidaires sous un vocable qui paraît, à tort, désuet : le patriotisme, c’est-à-dire une promesse de société. Il faut restaurer des valeurs collectives et rebâtir la place de nos États, car ils se sont affaiblis depuis 40 ans. Et il faut retrouver la tempérance économique et la solidarité sociale. La synthèse est peut-être dans ces constats. En tout cas, c’est la mienne
* Le titre est de la rédaction. Texte initialement paru sur la page LinkedIn de Bruno Colmant.
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