Le secret bancaire européen à l’agonie

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Les concessions faites mercredi par le Luxembourg et l’Autriche en matière d’échange d’informations fiscales semblent signer l’arrêt de mort du secret bancaire en Europe.

Le Luxembourg a annoncé qu’il passerait à l’échange automatique d’informations sur l’épargne à partir du 1er janvier 2015, tandis que Vienne a fait part de sa volonté de négocier le secret bancaire pour les étrangers. La Commission européenne a “chaleureusement accueilli” cette évolution attendue de longue date, obtenue dans un contexte de pressions internationales croissantes, en particulier des Etats-Unis.

Le Premier ministre chrétien-démocrate du Luxembourg, Jean-Claude Juncker, a confirmé mercredi que son pays était prêt à “l’échange automatique à partir du 1er janvier 2015”, en soulignant que la place financière “ne dépend pas de manière existentielle du secret bancaire”.

Le chancelier social-démocrate autrichien Werner Faymann a embrayé dans la journée en annonçant sa volonté de “négocier” la levée du secret bancaire pour les résidents étrangers détenteurs d’un compte sur son sol. “Nous allons mener les discussions en commun avec le Luxembourg”, a-t-il dit.

Les deux pays étaient les seuls Etats membres de l’Union à refuser l’échange automatique d’informations prévu dans une directive de 2003 sur l’épargne, lui préférant un régime dérogatoire de précompte. La Belgique avait elle aussi initialement opté pour ce précompte, avant d’y renoncer en 2010. Le Luxembourg et l’Autriche étaient sous pression pour lui emboîter le pas.

Les 27 négocient, en sus, une révision de cette directive afin d’éviter qu’elle soit contournée via des trusts ou des fondations opaques. Mais cette révision est bloquée, notamment par… l’Autriche et le Luxembourg.

Une autre directive, relative à la coopération administrative – adoptée sous présidence belge en 2010 – a également égratigné le secret financier en Europe. Elle institue, à partir de 2015, l’échange automatique d’information pour d’autres catégories revenus, notamment les assurances vie. Une clause de révision prévoit que les royalties, plus-values et dividendes – des revenus propices à l’optimisation fiscale – pourraient eux aussi tomber sous l’échange automatique d’information après 2017.

Au niveau global, l’échange d’information fiscales est également en progrès. Le standard OCDE d’échange d’information “à la demande” (c’est à dire sur base d’éléments incriminants) a récemment été élargi pour permettre des demandes collectives.

Mais plus que tous les efforts européens et internationaux, c’est la pression américaine qui est sur le point de porter un coup fatal au secret bancaire. Avec la législation FATCA (“Foreign Accounts Tax Compliance Act”), les Etats-Unis imposeront sous peu à toutes les institutions financières de la planète de leur livrer des informations sur tous les avoirs des Américains, sous peine de lourdes pénalités. Les banques et fonds qui refuseraient de coopérer verraient tous les transferts d’origine américaine taxés à 30%.

Cette mesure unilatérale américaine oblige les pays du monde à négocier avec Washington des accords de mise en oeuvre. Cinq grands pays européens (France, Espagne, Royaume-Uni, Italie et Allemagne) ont déjà conclu un accord multilatéral prévoyant un échange d’information réciproque entre les administrations. Dans une lettre adressée à la Commission européenne cette semaine, ils ont proposé d’élargir ce cadre à tous les pays de l’UE.

Si elle n’y est pas opposée, la Commission rappelle que plusieurs propositions déjà sur la table pourraient être adoptées pour parvenir au même résultat.

Les différents efforts convergent vers l’abrogation du secret bancaire, même si les modalités restent encore floues, comme en témoigne la volonté autrichienne de “négocier”. Les catégories de revenus soumis à la transparence, les délais et les possibilités de contournement seront au centre des tractations.

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