Olivier Mouton

Le sauve-qui-peut énergétique de la Belgique

Olivier Mouton Chef news

Le message des politiques européens est désormais clair: pour affronter la tempête économique, la meilleure solution restera de privilégier la modération énergétique, quitte à ce que la croissance en pâtisse.

Sous la pression de la guerre en Ukraine et de prix qui s’envolent, le gouvernement De Croo a – enfin – conclu au forceps un grand accord énergétique prévoyant le maintien en activité de deux réacteurs nucléaires pour 10 années supplémentaires. Présenté le vendredi 18 mars, ce compromis soulage les organisations patronales, mais s’apparente tout de même à un marchandage de dernière minute. Car ce grand bazar énergétique reste perclus de trop nombreuses zones d’ombre.

La Belgique et son économie resteront, ces 10 prochaines années, irriguées par des sources protéiformes et fragiles. Deux vieilles centrales nucléaires seront prolongées à la hussarde en payant le prix fort à Engie qui n’était pas demandeur et se présente en position de force pour la négociation. Deux nouvelles centrales au gaz seront construites en appoint alors que la dépendance européenne à la Russie pour cette source d’énergie a été vilipendée et que les prix se sont envolés. Quant aux énergies renouvelables, leur développement est constant, vital et encouragé, mais reste entravé par le phénomène Nimby: sauver la planète, d’accord, si cela n’affecte pas l’environnement proche.

Ce sauve-qui-peut énergétique est mal préparé et insatisfaisant pour l’ensemble des partis. Pour les écologistes, c’est un échec cuisant: ils s’accrochaient au totem de la sortie complète du nucléaire en 2025 – une décision symbolique datant de 2003! – pour finalement concéder que cette fuite en avant était trop aventureuse. En échange de ce “geste”, les verts ont obtenu un montant de 1,6 milliard d’euros afin d’accélérer la transition énergétique vers le 100% renouvelable: c’est considérable, mais bien éloigné du montant initialement annoncé de 8 milliards.

Pour les libéraux, la victoire a un goût amer. Après avoir longtemps plaidé, sous Charles Michel, pour des investissements massifs dans le gaz, ils se sont ravisés. Leur président, Georges-Louis Bouchez, obtient une première victoire à la Pyrrhus avec l’annulation de la sortie complète du nucléaire mais réclame désormais une prolongation d’autres réacteurs pour faire face aux temps incertains qui s’annoncent. C’est dire combien cet accord risque d’être déjà trop limité et trop tardif, alors que l’embargo européen sur le gaz russe est désormais sur la table dans le cadre du conflit ukrainien – et que le monde vient de changer en profondeur ces dernières semaines.

Les vrais perdants de la navigation à vue de la Belgique et de l’Europe depuis des décennies sont les citoyens et les entreprises. Si la sécurité d’approvisionnement semble désormais garantie, avec tout de même un point d’interrogation pour l’hiver prochain, l’énergie restera une source d’angoisse ces prochaines années, d’un soubresaut à l’autre. Le niveau des coûts, trop élevé, handicapera gravement le Vieux Continent – et plus encore notre pays. Faute d’avoir anticipé.

Entre pandémie, guerre et inflation durable dopée par l’énergie, nos CEO auront besoin d’une solide dose de philosophie pour gérer leur stress, comme le souligne notre dossier dans ce magazine. Pour intégrer cette nouvelle donne inéluctable, il leur reste à se féliciter que nos dirigeants prennent enfin le taureau par les cornes. La transition énergétique constitue, c’est vrai, une opportunité pour de nombreuses entreprises. Mais au-delà, le message des politiques européens est désormais clair: pour affronter la tempête économique, la meilleure solution restera de privilégier la modération énergétique, quitte à ce que la croissance en pâtisse. Après tout, n’est-ce pas bon pour le climat?

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