Le ruling est souhaitable mais en toute transparence

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Voici quelques jours, la presse européenne a révélé une série de décisions fiscales anticipées, des “rulings”, dont avaient bénéficié 340 sociétés au Luxembourg. Pour Pascal Saint-Amans, ce Lux Leaks démontre la nécessité d’un échange généralisé entre administrations fiscales.

Les accords confidentiels révélés par la presse sous le nom de Lux Leaks concernent des opérations légales (puisque validées par le fisc luxembourgeois), mais très diverses : il y a des solutions pour trouver les voies les moins imposées quant aux revenus de grands patrimoines mais aussi, des moyen imaginés pour abaisser la base taxable ou réduire le taux d’imposition. Les dossiers de sociétés belges (des véhicules appartenant aux familles Lhoist, de Spoelberch, Frère, mais aussi à Belgacom ou d’autres sociétés) ont donc été jetés en pâture mais sans parfois que la part des choses soit faite entre les mécanismes qui ne posent aucun problème et ceux qui, tout en étant légaux, pourraient nuire à un Etat.

La Commission européenne enquête sur les effets du ruling dans divers pays (Irlande, Luxembourg, Pays-Bas… mais aussi en Belgique) afin de voir si ces décisions obéissent aux règles européennes. C’est aussi toute la problématique des BEPS (base erosion and profits shifting, ou érosion de la base taxable et transfert de bénéfices) sur lequel l’OCDE travaille depuis des années. Un plan d’actions a été élaboré dès l’été 2013 et ses recommandations ont été approuvées en septembre par les chefs d’Etat et de gouvernement du G20. Elles doivent entrer en vigueur d’ici fin 2015.

Pascal Saint-Amans dirige le centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, la cheville ouvrière de ce plan. Il a naturellement suivi de près les informations révélées par le Lux Leaks.

Que vous inspirent ces informations?

C’est une nouvelle illustration de la nécessité de mettre rapidement en place notre programme pour lutter contre les pratiques fiscales nuisibles, celles qui consistent à déclarer dans un pays (où la charge fiscale est très faible, voire nulle) des bénéfices générés par des activités qui se déroulent en fait dans un autre pays. Ce plan d’actions contre “l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices” a été adopté en 2013 par les chefs d’Etat et de gouvernement du G20. Il ne s’agit pas ici de stigmatiser un pays particulier, la Suisse, le Luxembourg, les Pays-Bas… Le ruling n’est pas toxique en soi, mais lorsqu’il conduit à ne pas taxer de revenus dans un pays alors que ceux-ci auraient dû l’être parce que l’activité qui les a générés se trouve dans ce pays, il risque d’être dommageable.

C’est le “ruling” le problème?

Non, au contraire. Il est souhaitable que les entreprises puissent bénéficier d’une certaine sécurité juridique quant à leurs projets, qu’elles puissent avoir des décisions préalables de l’administration fiscale afin qu’elles ne soient pas dans l’incertitude et aient une certaine visibilité. Mais c’est la transparence de ces décisions qu’il faut encourager.

Transparence, cela veut dire que ces décisions anticipées doivent être rendues publiques?

Non, car elles relèvent de la vie privée: elles concernent les relations entre les personnes et les administrations fiscales. En revanche, il faudrait que toutes les décisions anticipées prises par une administration fiscale soient échangées de manière spontanée avec les administrations fiscales des autres pays.

Le plan d’actions de l’OCDE vise ce point?

Oui. Nous n’avons pas attendu le Lux Leaks pour agir. Une des 15 mesures du plan d’actions de l’OCDE vise expressément le ruling. Elle consiste à “finaliser l’examen des régimes en vigueur dans les pays membres en vue de lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables” et afin d’accélérer l’échange d’informations entre administrations fiscales. Les 15 et 16 novembre, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays du G20 se réuniront à Brisbane (Australie). Ils confirmeront la priorité donnée à la lutte contre ces pratiques fiscales dommageables.

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