Le rêve du ‘revenu de base inconditionnel’ soumis à la réalité de la votation

© Reuters

Carole est une Zurichoise de 30 ans, diplômée en ethnologie. Elle touchera 2.500 francs suisses (2.260 euros) par mois pendant un an et sera la première personne en Suisse à toucher un revenu de base inconditionnel, peu importe si elle travaille ou pas.

Le cas de Carole, qui s’exprime sur Youtube, mais dont le nom de famille n’est pas divulgué, pourrait se généraliser en Suisse si la population vote “oui” dimanche à une initiative populaire lancée par un groupe sans affiliation politique, visant à instaurer un revenu de base inconditionnel (RBI). Ce revenu doit permettre à “l’ensemble de la population de mener une existence digne et de participer à la vie publique”.

En attendant, les partisans du RBI ont lancé une collecte de fonds sur internet afin de verser 2.500 francs suisses par mois pendant un an à une personne tirée au sort. Carole est la première gagnante.

L’initiative propose que chaque Suisse et tout étranger résidant depuis au moins cinq ans reçoivent de l’Etat une allocation mensuelle, peu importe si la personne travaille ou non.

“C’est un rêve qui existe depuis longtemps”, mais qui est devenu “indispensable” face au chômage élevé provoqué par la robotisation croissante, explique à l’AFP l’un des pères de l’initiative, Ralph Kundig.

Le ministre suisse de l’Intérieur, Alain Berset, docteur en économie, y voit “quelque chose d’utopique”. A Berne, gouvernement, Parlement et partis, sauf les Verts et l’extrême-gauche, dénoncent en bloc l’idée d’un RBI.

“C’est un vieux rêve, un peu marxiste. Pleins de bons sentiments irréfutables mais sans réflexion économique”, observe le directeur du Centre international d’études monétaires et bancaires à Genève, Charles Wyplosz, qui dit à l’AFP que si le lien entre la rémunération et le travail est coupé, “les gens en feront moins”.

Pour les enfants aussi

Pascale Eberle, 55 ans et infirmière à domicile, explique à l’AFP que le RBI peut “donner la possibilité à nos petits-enfants d’avoir une autre vie”.

Le montant du revenu et son financement devront être définis par le Parlement. L’initiative suggère une mensualité de 2.500 francs suisses par adulte – avec laquelle il est très difficile de vivre – et de 625 francs suisses pour les mineurs.

Un travailleur gagnant auparavant 7.000 francs suisses toucherait 2.500 francs de RBI et 4.500 francs de salaire. Ceux qui disposent de moins de 2.500 francs par mois toucheraient ce montant.

Soit au total un versement de 208 milliards de francs suisses pour toute la Suisse, selon les autorités, qui devraient trouver une source de financement supplémentaire pour 25 milliards de francs suisses environ, “ce qui impliquerait des économies drastiques ou de fortes hausses d’impôts”.

Le gouvernement craint aussi que moins de personnes décident de travailler, ce qui générerait des pertes fiscales supplémentaires.

Les défenseurs de l’initiative suggèrent d’éliminer des aides et assurances sociales ou de créer une taxe sur les transactions électroniques.

“Il y a actuellement en Suisse des paiements électroniques qui correspondent à 100.000 milliards de francs suisses chaque année. Vous prenez de cela 0,2%, cela permet de générer 200 milliards”, explique le directeur de l’Institut banque et finance de l’université de Zurich, Marc Chesney.

‘Minimum vital’

Pour les Verts, le RBI assure un “minimum vital, un avantage pour les employés qui peuvent mieux résister à la pression sur le marché du travail et refuser des conditions de travail déplorables”.

Le directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT, une agence de l’ONU), Guy Ryder, ne prend pas position mais il reconnaît que la transformation à long terme du monde du travail va pousser les sociétés à “trouver des moyens de distribution du revenu national qui ne soient pas directement liés au travail ou au salaire”.

Pour l’instant, explique-t-il, seules quelques expériences-pilotes doivent être menées ces prochains mois comme à Utrecht (Pays-Bas), mais aussi en Finlande.

En Suisse, le RBI devrait rester une utopie: d’après le dernier sondage de l’institut gfs.bern, 71% des personnes y sont opposés.

Conformément à leur système politique de démocratie directe, les Suisses sont appelés à se prononcer trois à quatre fois par an sur une multitude de questions.

Dimanche, ils devront aussi se prononcer sur l’accélération des procédures d’asile et l’autorisation du diagnostic préimplantatoire.

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