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Le retour des préoccupations comptables

Qu’on le veuille ou non, en 2021, on devra utiliser l’argent de manière responsable.

Nous avons franchi le cap de cette année 2020 qui restera comme une des plus tumultueuses de ces décennies. Pour supporter notre économie, le gouvernement a dépensé sans compter. C’était bienvenu et nécessaire. Mais si 2020 a été une année de dépenses sans compter, 2021 devra être un millésime comptable. Il faudra se focaliser à nouveau sur les chiffres budgétaires. Le déficit public cumulé (2020 et 2021) devrait avoisiner les 60 milliards et la dette publique atteindre environ 135% du PIB. La facture sera salée. On comprend donc le message de la secrétaire d’Etat au Budget, Eva De Bleeker. “Ce qui est important pour moi, a-t-elle confié à L’Echo, est que toute dépense nouvelle devra créer de la croissance.” On continuera bien sûr à soutenir les secteurs sinistrés, mais la liste de 38 mesures de soutien à l’économie arrêtée en novembre dernier ne sera pas élargie.

Qu’on le veuille ou non, en 2021, on devra utiliser l’argent de manière responsable.

Dire que 2021 sera marquée par des préoccupations comptables, ce n’est pas plaider pour un arrêt brutal des aides. C’est simplement adjurer les gouvernements, et spécialement le nôtre, de bien regarder à la dépense. Des trajectoires doivent être rectifiées. Des conditions plus sévères, accompagner les mesures de soutien. Selon la Banque nationale, “2% du nombre total d’entreprises (8.000 environ) sont devenues rentables en 2020 à la faveur uniquement de la combinaison des exonérations fiscales, des primes et d’un recours plus aisé au chômage temporaire”. On a ressuscité des zombies qu’il aurait fallu laisser dans la tombe. On applaudira donc la volonté de ce gouvernement de multiplier les contrôles budgétaires cette année-ci, afin de piloter au plus près les finances de l’Etat.

Certains, pourtant, sont mécontents face à ce “retour des chiffres”: ils rappellent, et ils n’ont pas tort, combien ont été funestes les politiques pro-austérité menées après la crise de 2008. Laurence Bonne, chef économiste de l’OCDE, implore d’ailleurs dans un entretien au Financial Times de ne pas rééditer cette erreur. Mais cela ne signifie pas qu’il faille tomber dans le travers inverse. Celui de croire que l’on rasera gratis. Des voix s’élèvent, en France, en Italie et ailleurs, pour qu’on annule une partie de la dette publique des pays de la zone euro. Après tout, une part de cette dette a été achetée par la BCE et se trouve de facto déjà neutralisée. Pourtant, on sait qu’une telle annulation n’est pas possible. Pour une raison fondamentale: elle entacherait le crédit des Etats, rendant plus difficile la levée d’emprunts. Et pour une raison technique: il n’est pas possible de scinder la nature des obligations publiques en déclarant que les unes peuvent être annulées mais que les autres, celles détenues par les investisseurs privés, ne le peuvent pas. Sans compter qu’une telle annulation ne recueillera jamais l’assentiment de nombreux Etats membres, à commencer par l’Allemagne.

Qu’on le veuille ou non, en 2021, on devra utiliser l’argent de manière responsable, qu’il soit public ou privé. Car comme le fait observer Bruno Colmant, professeur à l’UCLouvain et à l’ULB, nous aurons besoin des deux. Pour récupérer en Belgique le niveau de PIB d’avant-crise, il faudrait sans doute investir 120 milliards d’euros. Une tâche impossible à réaliser avec les seuls deniers publics.

On émettra donc un triple voeu à l’orée de cette année. Le premier est que nous réorientions une partie de l’épargne privée vers des investissements réellement utiles à l’économie du pays. Le deuxième est que l’on continue à aider ceux qui en ont vraiment besoin. Et le troisième, que l’on rassure le contribuable en faisant preuve, dans l’usage des deniers publics, d’une juste parcimonie. Trois voeux qui ne sont pas incompatibles.

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