Rudy Aernoudt

“Le problème du chômage de longue durée en Belgique doit être résolu de toute urgence”

Comment transformer une région comptant de nombreux chômeurs de longue durée en zone sans chômage? C’est très simple: il suffit de convertir toutes les allocations de chômage en subsides.

Le phénomène a pour nom “Territoires zéro chômeur de longue durée” . Initiée il y a quatre ans dans certaines régions de France, l’expérimentation pourrait être lancée en Belgique, à Bruxelles dans un premier temps.

Cette baguette magique reprise dans l’accord de gouvernement fédéral fait-elle vraiment des miracles? Ce projet pilote se fonde sur le constat défaitiste qu’un chômeur de longue durée ne retrouvera jamais du travail. Le statut de chômeur, temporaire par définition, serait donc converti en statut d’assisté permanent grâce à une subvention de 35.000 à 38.000 euros par an. Ce tour de passe-passe, poussé à outrance, permettrait alors de faire de tous les chômeurs des subventionnés permanents et de résoudre le problème du chômage.

Mais la confusion est totale. Un chômeur, selon l’Organisation internationale du travail, est une personne valide momentanément sans travail, capable de travailler et véritablement à la recherche d’un emploi. Elle peut bénéficier d’une allocation à titre temporaire. Le fait que cette allocation soit due à vie (comme en Belgique) ne change rien à la définition. Nos élus évoquent le succès remporté en France pour justifier l’instaurant de ce système. Premièrement, la comparaison est peu pertinente. Le coût des chômeurs de longue durée en France (où le chômage est limité dans le temps) est estimé entre 15.000 et 18.000 euros par an. En Belgique, il est de 40.000 euros. Soit l’indemnité de chômage, les frais d’accompagnement et la perte de recettes, à savoir le fait que le chômeur et son employeur hypothétique ne paient pas de cotisations de sécurité sociale ni d’impôt sur le revenu.

Le problème du chômage de longue durée en Belgique doit être résolu de toute urgence. Mais multiplier les subsides n’est pas la solution.

Deuxièmement, le “succès” rencontré en France est relatif. Pour faire fonctionner le système, on y a en effet créé des entreprises spéciales, dites ” à but d’emploi “, subventionnées au prorata du nombre de chômeurs recrutés. Ces entreprises s’adressent ensuite aux autorités, locales principalement, pour demander du travail à offrir à ces ex-chômeurs. Or, l’évaluation du ministère français du Travail montre que bon nombre de ces postes subventionnés concernent une activité exercée auparavant par une entreprise privée locale. C’est ce qu’on appelle de la concurrence déloyale. D’autant que, d’après le rapport, de plus en plus de ces chômeurs subsidiés pourraient en fait réintégrer le marché régulier du travail. Si cette tendance se poursuit, les entreprises privées locales devront donc licencier des travailleurs qui feront ensuite le même travail dans le cadre du système de subventions.

Le problème du chômage de longue durée (40% de l’ensemble) en Belgique doit être résolu de toute urgence. Mais multiplier les subsides n’est pas la solution. Il faut limiter la durée des allocations, assurer un enseignement de qualité, une formation professionnelle et un accompagnement actif visant à faciliter la réinsertion. Tel est le rôle des plus de 10.000 fonctionnaires de nos services publics d’accompagnement (Actiris, Forem et VDAB). Du reste, il existe déjà toute une panoplie de subventions similaires. Pour créer de l’emploi, instaurons donc plutôt une politique économique et fiscale incitative au lieu d’initier un énième système de subvention. Au final, cette soi-disant baguette magique n’est rien d’autre qu’un projet de plus pour subventionner l’emploi travesti en remède miracle, un gaspillage de fonds publics et, pire encore, un manque de respect vis-à-vis des chômeurs réellement à la recherche d’un emploi.

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