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Le pouvoir d’achat, un concept cuisiné à toutes les sauces

L’évolution du pouvoir d’achat est un concept cuisiné à toutes les sauces. Il me semble même avoir lu récemment, je ne sais où, que ” l’indexation automatique des salaires augmente le pouvoir d’achat “, alors qu’elle ne fait que compenser la dégradation de celui-ci en raison de l’inflation. Quelques éléments d’éclairage s’imposent donc.

On peut définir le pouvoir d’achat comme le revenu disponible réel des ménages qui, lui-même, est le rapport entre le revenu disponible nominal (ce que les ménages gagnent) et le niveau des prix (ce que coûte ce qu’ils consomment). Pour tenir compte de l’évolution de la population, on peut également calculer ce ratio par habitant. On l’utilise généralement de manière dynamique, en examinant son évolution sur une période plus ou moins longue. Ainsi, sur la période allant de l’année 2000 à 2017, le pouvoir d’achat par habitant a progressé de 4,6 %. Ce n’est pas formidable, mais il ne faut pas oublier que c’est une augmentation par habitant (or, la population a fortement augmenté) et tenant compte de l’évolution des prix. Il faut aussi rappeler, si nécessaire, que cette période comporte la plus grave crise économique de l’après-guerre. Bien des ménages d’autres pays européens n’en sont pas au même niveau.

Mais estimer la progression du pouvoir d’achat sur 17 ans n’est peut-être pas une bonne chose dans la mesure où, en la matière, ce n’est pas la tendance de long terme qui détermine le bonheur ou le mécontentement des gens, mais plutôt l’évolution récente. A ce titre, il faut reconnaître que si le pouvoir d’achat avait gagné 10 points de pourcentage entre 2000 et 2009, il en a reperdu la moitié depuis ! Celui ou celle qui se centre sur l’évolution des dernières années verra donc plutôt dans ces chiffres une diminution du pouvoir d’achat. Au-delà de ces éléments macroéconomiques, un autre phénomène joue indubitablement : nous ne subissons pas tous la même évolution du pouvoir d’achat. Là où la macro considérera, par exemple, que les créations d’emplois entraînent une augmentation de celui-ci, ceux qui avaient déjà un job n’en ressentiront pas les effets. Le pouvoir d’achat est finalement aussi un concept très égoïste…

Il serait probablement nécessaire de renforcer les mesures globales de pouvoir d’achat par des indices de dispersion de celui-ci ou des mesures ciblant des groupes en particulier.

En matière d’évolution des prix, on sait aussi que des disparités importantes existent. L’indice des prix est fondé sur les dépenses de consommation globale des Belges. Par exemple, les dépenses annuelles pour acheter du beurre et pour acheter du matériel vidéo sont sensiblement identiques, représentant dans les deux cas un peu plus de 0,25 % du total des dépenses. Or, sur les 10 dernières années, le prix du beurre a progressé de 87 %, alors que celui du matériel vidéo (tenant compte de l’amélioration de la qualité des appareils) a diminué de 45 % ! La baisse de certains produits compense la hausse d’autres produits dans l’indice global des prix. Mais celui qui n’a pas acheté d’appareil vidéo n’en a évidemment pas grand-chose à faire. Pas plus d’ailleurs que celui qui a acheté du matériel vidéo à l’une ou l’autre reprise en 10 ans : on ne perçoit pas nécessairement la baisse des prix des biens qu’on ne consomme pas tous les jours.

Que faut-il retenir de tout cela ? Que l’on peut faire dire aux chiffres ce que l’on a envie de leur faire dire ? Non ! Sur longue période, le pouvoir d’achat s’est amélioré en Belgique et l’immense majorité des Belges a profité de cette amélioration. Plusieurs études montrent par ailleurs que l’inflation ne touche pas plus les revenus faibles que les hauts revenus. Par contre, la question de la perception ne doit pas être mise de côté pour autant. Il serait probablement nécessaire de renforcer les mesures globales de pouvoir d’achat par des indices de dispersion de celui-ci ou des mesures ciblant des groupes en particulier. On sait par exemple que la structure de la consommation est très différente en fonction du fait qu’un ménage est propriétaire ou non de son logement. D’autant que la mesure des loyers dans l’indice des prix est loin d’être parfaite.

L’idée de ces mesures plus complètes du pouvoir d’achat serait d’identifier les déviations, temporaires mais importantes, dans l’évolution de celui de certains ménages en fonction de leur situation sociale ou de leur profil de consommation. Cela ne résoudra en rien l’amertume de ces ménages, mais cela pourra éviter de prendre les autorités au dépourvu, de manière à pouvoir apporter une réponse adéquate et fondée à cette amertume.

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