Le phovoltaïque au service de l’agriculture?

Ether Energy, entreprise bruxelloise, a lancé la construction du parc agrivoltaïque de Wierde en septembre 2022. Les premières injections dans le réseau sont prévues pour l'été 2023.

Pour atteindre les objectifs climatiques européens et garantir son indépendance énergétique, la Belgique doit installer un maximum de panneaux solaires d’ici 2030, sans pour autant sacrifier ses terres agricoles. Ce défi, plusieurs de nos voisins tentent de le relever depuis plus de 10 ans grâce à une innovation technologique, l’agrivoltaïsme.

En Wallonie, 12 hectares de terres agricoles sont artificialisés chaque année au profit de l’urbanisation, de l’éolien ou encore de zones économiques. Pas étonnant, dès lors, que le moindre projet de parc photovoltaïque entraîne une levée de boucliers. Et si l’agrivoltaïsme (ou agriPV) était la solution?

Testée dans des vignes, des vergers ou des champs en France, en Italie et en Allemagne notamment, cette innovation faire cohabiter, sur un même terrain, un élevage ou des cultures avec des panneaux photovoltaïques, qui se partagent alors le rayonnement solaire. Moins rentable car moins densément fourni en panneaux qu’une centrale photovoltaïque au sol, un hectare d’agriPV produit quand même 50 à 100 fois plus d’énergie qu’une même surface dédiée aux agrocarburants.

Le moment est idéal pour passer à l’agrivoltaïsme. Au-delà de l’urgence climatique et énergétique, les prix du photovoltaïque sont également au plus bas. Quant aux besoins en électricité, ils ne feront qu’augmenter, y compris dans les exploitations agricoles. “Nous allons assister à une électrification progressive du matériel agricole”, confirme Frédéric Lebeau, professeur à l’ULiège.

Autres avantages pour l’agriculteur: les panneaux solaires jouent le rôle d’abri pour les cultures ou les animaux en cas d’aléas climatiques (canicule, sécheresse, vent, grêle, etc.), constituant en outre un complément possible de revenu.

Unique projet wallon

Si plusieurs projets agriPV ont déjà vu le jour en Flandre, la Wallonie, elle, est presque au point mort en la matière. Une circulaire, entrée en vigueur début 2022, interdit pour l’instant toute installation. Résultat, un seul parc agrivoltaïque – autorisé avant cette circulaire – est actuellement en construction au sud du pays, à Wierde. “Sur une terre de pâturage, donc non cultivable”, précise Pierre de Liedekerke, cofondateur d’Ether Energy.

La société bruxelloise y installe des panneaux surélevés d’un mètre près desquels seront implantées des ruches et où pâtureront des moutons. “Le terrain, clôturé, est mis gratuitement à la disposition des apiculteurs et des éleveurs. En échange, ceux-ci entretiennent le site, qui va gagner en biodiversité.”

La Fugea vent debout

L’adoption d’une innovation dépend, en grande partie, de son acceptabilité. Et en matière d’agrivoltaïsme, une chose est sûre: la Fugea est loin d’y être favorable. Contrairement aux groupements d’agriculteurs français qui participent à son développement outre-Quiévrain, le syndicat agricole wallon craint une perte de rendement et un phénomène de spéculation qui entraverait encore un peu plus l’accès à la terre.

Son argument? Au moment de louer son terrain, un propriétaire aurait tout intérêt à favoriser la production d’énergie, beaucoup plus rentable. Et puis, la Wallonie n’est pas la France! L’ensoleillement y est moins important et la pression foncière bien plus élevée.

Comme toute innovation, l’agrivoltaïsme requiert des arbitrages pour équilibrer son impact sur les différentes parties prenantes. Vaut-il mieux privilégier des panneaux horizontaux ou bifaciaux? Sur des terres de pâturage ou de culture? “Il faut se mettre autour de la table pour identifier le système le plus pertinent pour notre climat et notre territoire, insiste Frédérique Lebeau. Il faut pouvoir garantir la liberté de culture et quantifier la limite acceptable pour préserver la fonction agricole”.

En France par exemple, l’agriPV ne doit pas entraîner de perte de revenu pour un agriculteur. “Chacun doit y trouver son intérêt. Les agriculteurs belges pourraient par exemple bénéficier d’un point de charge gratuit pour leur matériel et leurs clients, ou même devenir distributeurs d’énergie”, conclut le professeur.

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